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«Ma famille a considéré mon retour au Sénégal comme un échec»

Le professeur sénégalais Souleye Kane a réalisé son doctorat à l'Université de Neuchâtel. En 2005, les opportunités professionnelles étaient nombreuses pour lui en Suisse. Mais il a préféré rentrer au Sénégal, pour un salaire largement inférieur. Et cela malgré les critiques de sa famille en Afrique.

02 oct. 2009, 07:42

Le professeur de mathématiques Souleye Kane est une exception. Et il le sait. Alors que des milliers d'Africains tentent chaque jour d'immigrer vers l'Europe, parfois au péril de leur vie, Souleye Kane a décidé, lui, de revenir au pays.

Pour parler de ce choix que plusieurs de ses proches n'ont pas compris, il nous reçoit dans son bureau de l'Université de Dakar, en pleine période d'examens. Le bâtiment de la faculté des sciences est imposant. Il se dresse au milieu d'un gigantesque campus de 60 000 étudiants.

«Je suis arrivé à Neuchâtel en octobre 2000, dans le cadre d'une thèse de doctorat sur la mécanique des fluides. J'avais rencontré le professeur Olivier Besson en Mauritanie. Il était très intéressé à travailler avec moi.»

Souleye Kane, assistant sur le campus d'UniMail, vit cinq années «très enrichissantes» à Neuchâtel. «J'ai de très beaux souvenirs. Je faisais du foot à Valangin. J'ai aimé la vie à la Cité universitaire. Les Suisses sont méfiants au départ. Puis dès qu'ils ont confiance en quelqu'un, ils se lâchent.»

Souleye Kane termine son doctorat en 2005. Et reçoit plusieurs offres professionnelles intéressantes en Suisse. Mais il n'en saisit aucune. Il préfère rentrer au Sénégal, où il vivra deux ans de chômage.

«J'avais de la peine à vivre aussi loin de ma famille. Le seul lien avec mes proches consistait en un envoi d'argent via Western Union.»

Le climat familial et la chaleur africaine ne sont pourtant pas les seuls éléments qui le poussent à rentrer. «Le Sénégal m'avait élevé. Il fallait que je lui donne quelque chose en retour. En 2001 à Neuchâtel, j'avais eu la chance de rencontrer le président Abdoulaye Wade en personne. Il faisait le tour d'Europe pour encourager les «cerveaux» à revenir au pays.»

Souleye veut aider son pays à se développer. «Mais dans ma famille, beaucoup de gens ne l'ont pas compris. Ils ont considéré ce retour comme un échec. Pour un Sénégalais, si tu vas à l'étranger, tu dois réussir et aider ta famille.»

Durant deux ans, Souleye Kane ne trouve pas de travail à Dakar. «J'ai vécu avec mes économies faites en Suisse.» En 2007, il décroche enfin un poste à la faculté des sciences de l'Université de Dakar. «Aujourd'hui, je n'ai pas les mêmes possibilités financières que lorsque je travaillais en Suisse. J'aide mon père et mes sœurs. Alors que depuis Neuchâtel, je pouvais soutenir ma famille au sens large.»

Mais Souleye ne regrette pas ce choix. Il est convaincu que les Sénégalais doivent renoncer au «rêve européen» s'ils veulent que leur pays progresse. «Un de mes frères voulait prendre une pirogue et tenter l'immigration clandestine vers l'Espagne. Je l'ai encouragé à rester au pays et à renoncer à risquer sa vie dans ces pirogues de la mort. Il m'a écouté.» /VGI

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