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Libre opinion: nos lectrices et lecteurs écrivent à propos de l’initiative pour des multinationales responsables

La campagne sur l’initiative pour des multinationales responsables, soumise au vote le 29 novembre prochain, a à peine commencé que nos lectrices et lecteurs ont déjà fait chauffer leur clavier.

26 oct. 2020, 05:30
70% de l’or mondial est raffiné en Suisse, sa provenance n’est pas toujours certifiée. Ici la zone de Madre de Dios, dans la Pampa au Pérou, connue pour ses pratiques illégales en matière d’extraction de l’or.

«Nous savons ce qui est juste»

La population de notre pays est divisée à propos de l’initiative pour des multinationales responsables, ceci entre deux tendances.
L’une capitaliste, défend notre économie, nos entreprises, l’autre, humaniste, voit parmi les conditions où les matières premières sont exploitées, notamment en Afrique et en Amérique du Sud, des atteintes intolérables à la nature et aux populations.

Il s’agit de dénoncer une atteinte à l’humanité. Une ligne rouge a été franchie

Les témoignages sont accablants, défrichements massifs, destruction des terres, pollution chimique de l’eau, de la terre et du ciel. Mais ce sont surtout les conditions de travail imposées à la population autochtone, enfants compris, qui sont choquantes. De nombreux rapports en témoignent et montrent qu’il s’agit, ni plus, ni moins d’une forme d’esclavage. Ceci, en regard de notre culture et de notre civilisation, n’est tout simplement pas acceptable. Nous ne sommes plus dans une pesée d’intérêts entre l’économie et le social. Il s’agit de dénoncer une atteinte à l’humanité. Une ligne rouge a été franchie, au-delà de laquelle les atteintes à la nature et à l’être humain ne peuvent plus être compensées par des considérations d’ordre économique.

Dick Marty, qui a passé sa vie à combattre les injustices faites à l’humanité a résumé sa foi en ces mots: «nous savons ce qui est juste» exprimant le sens du respect de la dignité humaine qu’il possède.

A sa suite, nous aussi pouvons dire: «nous savons que l’asservissement des populations lointaines et la destruction de leurs terres, ce n’est pas juste».

Pierre-Jean Erard, Bôle

Au-delà des bonnes intentions

L’émission «Mise au Point» du dimanche 11 octobre a montré le large soutien dont bénéficie l’initiative pour des multinationales responsables soumise au peuple le 29 novembre prochain. L’intérêt populaire ne se dément pas et les moyens mis en œuvre étonnent jusqu’à Economiesuisse.

Il est plus que temps de se mobiliser pour cette initiative visant à rendre les multinationales dont le siège est en Suisse responsables de leurs actes aussi à l’étranger. Nous ne le répéterons jamais assez, cela ne concerne que quelques firmes, et non les PME de notre pays. Et celles qui respectent déjà les normes environnementales et les droits humains n’ont rien à craindre.

Le Parlement y oppose un contre-projet trop peu contraignant: en gros, ce sera un rapport annuel. Soit quelques lignes et quelques chiffres pour se donner bonne conscience et se dédouaner.

Le 29 novembre, plus que jamais, les mots de Saint-Exupéry gardent toute leur actualité: «Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants.» Nous remercieront-ils demain de nos décisions d’aujourd’hui?

Jean-Marc Leresche, Les Ponts-de-Martel

«Soyons citoyens responsables»

Dans la cuisine, les pommes sèchent, les tomates mijotent, les graines récoltées sont sur la table dans de petites boîtes. En cas de pandémie durable, elles me permettront de faire quelques plantons en février. L’ambiance est rassurante. Par la fenêtre, je vois un rouge-queue tandis que les arbres se parent de couleurs chaudes. L’automne est là.

Avec les cas de coronavirus qui augmentent, on peut s’attendre à vivre une période difficile, faite de télétravail, de solitude et de soucis. L’hiver pourrait être long.

Aurons-nous le courage d’expliquer que seules les multinationales n’ont pas besoin d’assumer leurs actes

Au printemps, les scientifiques auront peut-être découvert un vaccin. En Suisse, nous pourrons certainement choisir si nous souhaitons être vaccinés ou non, alors que d’autres populations n’auront pas voix au chapitre.

D’ailleurs, elles n’ont jamais droit au chapitre mais elles attendent notre voix avec impatience, pour avoir accès à la justice, accès à une vie sans particules fines, sans pollution de l’eau, de l’air et du sol, sans maladie et sans famine, sans détournement de rivière.

En pensant à ça je me dis que la vie est bizarre, on polémique quand les jeunes cassent le mobilier urbain, laissent des déchets et brûlent les canapés forestiers. On dit ce n’est pas normal… Moi la première. Mais y aurait-il une justice à deux vitesses? Que dirons-nous à ces jeunes si l’initiative ne passe pas. Aurons-nous le courage d’expliquer que seules les multinationales n’ont pas besoin d’assumer leurs actes, de respecter les droits humains et environnementaux?

En attendant un été 2021 fleurant bon la vie pour tous, soyons solidaires de ces familles qui ne demandent qu’à vivre, à être respectées. Pour nous, il suffit de voter «oui» à l’initiative pour des multinationales responsables le 29 novembre. Soyons des citoyens responsables!

Martine Bourquin, Saint-Imier

Je me suis demandé…

Je ne sais plus trop où j’ai entendu quelqu’un parler «d’émotionnel» à propos de la votation sur des multinationales responsables. Et puis, je me suis demandé quelles étaient les émotions des uns et des autres.

Des personnes opposées à l’initiative, j’ai pensé à la peur de voir des entreprises multinationales quitter la Suisse; à l’obéissance à des directives de parti; à la soif de gagner encore un peu plus pour le plaisir de gagner; mais aussi à la croyance à des d’informations dont on peut sérieusement douter.

Il y a ainsi des responsables d’entreprises – M. P. Cloux de Importexa par exemple (voir «ArcInfo» du 17 octobre) – responsable d’une PME d’une vingtaine de personnes, qui a la crainte d’être attaqué en justice. Ils ne semblent pas avoir lu le texte de l’initiative, qui dit: «(…) lorsqu’il règle l’obligation de diligence raisonnable, le législateur tient compte des besoins des petites et moyennes entreprises qui ne présentent de tels risques que dans une moindre mesure; (…)». Par ailleurs, la votation se rapporte à l’initiative. Si elle est acceptée, le parlement devra établir une loi d’application, qui tiendra compte de ce fait. Je doute fort que le parlement prenne des décisions immodérées, sans respect pour les PME.

Pour les personnes qui accepteront l’initiative, j’imagine de la colère, colère que des entreprises suisses, au nom de la liberté (et du profit) se permettent de mettre la vie de personnes en danger et/ou à polluer alors qu’il est possible de faire autrement.

Je ne connais pas la ou les raisons objectives qui peuvent conduire à refuser cette initiative, mais je sais que, pour moi, le respect des humains et de la nature vaut plus que le profit financier, pour une fois, je crois que la colère est bonne conseillère.

Claude Laesser, La Chaux-de-Fonds

La preuve de leur culpabilité

L’initiative pour des multinationales responsables vise un très petit nombre de richissimes multinationales dont le siège est en Suisse. Elle leur demande de réparer les dommages causés par leurs activités dans des pays moins favorisés que le nôtre: graves pollutions, empoisonnement des habitants. Cela semble la moindre des choses. Chacun de nous est légalement tenu de réparer un dégât qu’il a causé. Pourquoi pas ces entreprises?

Ces multinationales vont donc se défendre à grands frais avant la votation

Il est clair que ce projet de loi, s’il est accepté, leur déplaît: cela va leur coûter cher, même si elles en ont largement les moyens. Ces multinationales vont donc se défendre à grands frais avant la votation.

Ce sera la meilleure preuve de leur culpabilité et du fait qu’elles n’ont aucune intention de dédommager les populations qu’elles font souffrir. Si elles n’avaient rien à se reprocher, elles n’auraient absolument rien à craindre de cette initiative.

Colette Hein Vinard, Les Bois

Responsable? Une évidence

La crise sanitaire nous l’a montré, nous ne pouvons pas ignorer que nous vivons dans une société mondialisée, que les chaînes de production sont réparties dans plusieurs Etats et que l’interdépendance entre ces mêmes Etats doit être réglementée. Dans ce contexte, il faudrait à notre sens dédramatiser le débat sur l’initiative sur les multinationales responsables.

A celles et ceux qui craignent que l’économie suisse soit coulée par ce texte, nous souhaitons répondre qu’il se contente de refléter un principe évident, qui est déjà largement appliqué. Une entreprise suisse qui contrôle une filiale à l’étranger doit respecter sur ce territoire les règles internationales en matière de droits humains et de droit de l’environnement auxquelles la Suisse a souscrit. C’est aussi simple que cela et le mécanisme utilisé pour faire fonctionner ce postulat est un mécanisme classique de responsabilité civile que nous connaissons bien, en droit suisse comme ailleurs. Si des personnes sont victimes de violations du droit international par la filiale d’une entreprise suisse à l’étranger, alors les agissements de la filiale seront punissables devant un tribunal suisse.

Dans cette perspective, l’initiative ne vise pas à obliger les entreprises suisses à appliquer le droit suisse à l’étranger, mais seulement à faire respecter les standards internationaux négociés entre tous les États. Il serait donc temps de s’accorder sur un texte qui a simplement pour but de mettre en place un moyen de punir les comportements scandaleux des multinationales suisses à l’étranger, car il reste d’autres combats à mener pour le respect des droits humains.

Allons donc voter le 29 novembre, et s’aligner sur les nombreux Etats qui ont déjà adopté des législations de ce type.

Charlotte Dufour, Joana Jaquemet et Sophie Thirion, du Groupe des juristes d’Amnesty International Suisse romande

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