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La ville, ce territoire en transition

L’urbanisme durable est en plein essor. L’approche vise à faire émerger des stratégies à même de transformer les espaces urbains.

13 oct. 2020, 06:00
Les berges du Rhône au centre de Lyon, espaces publics en contact direct avec le fleuve, ont été aménagés sur des secteurs dédiés précédemment au stationnement.

«Le défi est de concilier une certaine densité bâtie avec la prise en compte d’une identité spécifique, le maintien de la qualité de vie, la réduction de l’empreinte écologique, la préservation de la biodiversité et le développement de l’économie locale», relève l’architecte Emmanuel Rey. Pour répondre aux besoins humains en consommant moins de ressources, de multiples acteurs travaillent aujourd’hui à faire évoluer les territoires urbains vers une durabilité accrue. Il est question d’interdisciplinarité, d’instaurer un dialogue entre autorités, experts et population.

 «La notion d’urbanité demeure au cœur des attentions», insiste le directeur du Laboratoire d’architecture et technologies durables (LAST) à l’EPFL et associé du bureau Bauart à Neuchâtel, Berne et Zurich. Surtout avec une Suisse dont 75 à 80% de la population réside dans un espace à caractère urbain. Le concept de transition, amorcé par la recherche il y a plus de 10 ans, dispose aujourd’hui d’un cadre institutionnel touchant à l’aménagement du territoire, à la stratégie énergique ou à la taxe carbone. 

«L’idée ne consiste pas à chercher une recette universelle pour toutes les situations», détaille Emmanuel Rey. Répondre aux enjeux globaux, tout en pensant local. «Les choses sont moins stables que lors des Trente Glorieuses.» Outre une densification «intelligente», les travaux de recherche, les projets pionniers et les expérimentations de terrain visent à améliorer la qualité de vie en milieu bâti, à favoriser les principes de l’économie circulaire et à limiter «drastiquement» les émissions de gaz à effet de serre.

Evolutions sociétales

«Savoir comment nous habitons dans un environnement dont nous sommes souvent déconnectés», ajoute Leila Pamingle, directrice de l’Association Ecoparc. «Des centres villes aux campagnes urbanisées, les territoires urbains d’aujourd’hui sont le fruit de strates développés au cours des siècles, notamment le développement centrifuge de la seconde moitié du XXe siècle», complète Emmanuel Rey.

«Face aux forts impacts environnementaux du domaine construit, la poursuite de l’étalement urbain est remise en cause aujourd’hui, de même que la ségrégation des fonctions (travail, habitation, loisirs, consommation) et la dépendance à l’automobile qui le caractérisent.» Des évolutions qui ramènent aux changements sociétaux, note l’architecte. A commencer par la réduction de la taille des ménages par suite de l’allongement de la durée de vie et de la transformation du modèle familial traditionnel.

Après 2030, seuls 24% des ménages compteront en effet plus de deux personnes. «La majorité des ménages sera composée d'une personne seule ou de deux personnes, constate Emmanuel Rey. Le couple avec deux enfants ne sera plus la norme» et de nouvelles attentes vont émerger. «La notion de vivre ensemble n’en aura pas pour autant disparue», relativise Leila Pamingle, évoquant la mixité sociale et intergénérationnelle.

Ancrage local

«Il s’agira d’adapter notre environnement construit à ces nouveaux besoins et de réfléchir à l’aménagement d’un nombre accru de services de proximités, d’espaces permettant de mutualiser certains usages et d’espaces verts de qualité, explique Emmanuel Rey: travailler avec le bâti existant, sans faire table rase du passé, chercher le bon équilibre avec un ancrage local.»

Entre architecture et urbanisme, la durabilité à l’échelle du quartier intègre des critères dépassant le seul bâtiment. «Il ne s’agit pas de densifier de manière généralisée et uniforme», dit Emmanuel Rey, mais plutôt de revisiter «finement» les territoires urbains, tirer parti des réseaux existants et repérer les secteurs les plus pertinents, à l’instar des friches urbaines et des terrains proches des arrêts de transports publics.

«Les spécificités de chaque site sont incontournables», indique le professeur. L’activation d’acteurs locaux, la recherche de services de proximité, le développement de production locale, la création d’espaces verts ou l’implantation de potagers urbains s’inscrivent dans la même ligne.

Lever les yeux

L’urgence climatique, qui a refait la Une en septembre avec l’occupation de la place fédérale à Berne par de jeunes activistes, est aussi présente. Selon Emmanuel Rey, «les enjeux liés à la transition énergétique occupent une place centrale dans les choix urbanistiques.» Et de mentionner le développement des transports publics, les réseaux de mobilité douce, la nature des nouvelles constructions, la rénovation des bâtiments existants ou la valorisation accrue des ressources locales.

La «décarbonation» des systèmes urbains implique une croissance significative des énergies renouvelables comme le solaire, la géothermie ou la biomasse dans l’environnement construit. «Le recours à des matériaux locaux, bio-sourcés, par exemple le bois récupérés ou recyclés devient une composante incontournable.» «Bien qu’amorcées, les évolutions prennent du temps», reconnaît cependant Emmanuel Rey. Et la crise sanitaire et économique actuelle pose un défi majeur pour la décennie à venir.

«Ces changements demanderont un engagement éclairé et coopératif des multiples acteurs impliqués dans la transformation des territoires urbains», estime l’architecte. En attendant, pourquoi ne pas profiter de promenades numériques ou réelles, telles que proposées par urbaine.ch, à Neuchâtel (énergie et urbanisme) ou au Locle (urbanisme durable). «Lever les yeux pour redécouvrir l’urbanisme horloger et son architecture déjà bien pensée à l’époque», conclut Leila Pamingle.

Philippe Lebet

 

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