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Des serres plus écologiques

Infrascreen révolutionne les serres agricoles, allant jusqu’à réduire leur consommation en CO2 de 40%. La clé pour cultiver des tomates plus vertes, écologiquement parlant.

23 juin 2020, 05:30
Henri de Lalande (2e depuis la gauche) et Benoît de Combaud (3e), avec l’équipe de recherche du CSEM (Gabriel Christmann, Juan Diaz et Sylvain Nicolay).

Henri de Lalande et Benoît de Combaud n’en sont pas à leur coup d’essai en matière d’entrepreneuriat. Ils ont déjà créé chacun leur propre start-up lorsqu’ils avaient 25 ans. Benoît de Combaud a fondé Combagroup en 2011, une société basée à Molondin dans la Broye vaudoise, qui commercialise des solutions en aquaponie pour la culture hors-sol. Il a cédé cette activité il y a deux ans à un groupe d’actionnaires. Henri de Lalande, quant à lui, s’est dirigé vers le domaine bancaire en cofondant Apparius, une banque d’affaires active dans le financement des scale-ups. C’est dans ce cadre qu’il a rencontré celui qui est aujourd’hui son associé dans Infrascreen.

«Au bout de dix ans, j’arrivais à la fin d’un cycle», exprime le financier de 36 ans. «Benoît est venu boire un café chez moi à Paris et m’a parlé de son idée innovante pour les serres. Ça a été le début d’un changement de vie pour moi, qui va déboucher sur mon déménagement en Suisse ces prochains mois avec ma fille qui vient de naître et mon épouse.» Les deux amis cèdent leur première entreprise et s’associent à parts égales pour fonder Infrascreen.

Après avoir étudié plusieurs options d’implantation, Neuchâtel ressort comme le site qui leur permettra de développer leur concept d’écran de serres. «La présence du CSEM, avec lequel nous travaillons pour les couches fines, a été déterminante», mentionne Benoît, l’ingénieur. «La possibilité de faire des tests dans une salle grise à La Chaux-de-Fonds est également un atout.» L’encadrement proposé par Microcity, le soutien du canton et d’Innosuisse finissent de les convaincre.

Réduire l’impact CO2

Les pièces pour leur nouvelle aventure s’emboîtent peu à peu. Infrascreen est officiellement créé en septembre 2019. Le développement de leurs écrans thermiques va déjà bon train. De quoi s’agit-il concrètement? «Traditionnellement, les serres sont chauffées au gaz naturel, ce qui produit trois fois plus de CO2 que la culture à l’air libre», explique le binôme. «L’écran de serre est comme un store que l’on déroule à volonté au-dessus des cultures pour éviter les pertes de chaleur par circulation de l’air.» Poussant le raisonnement plus loin, ils travaillent sur une protection plus performante. 

«C’est comme une couverture de survie que l’on mettrait dans les serres», image Henri de Lalande. «Jusqu’à présent, on utilise des couvertures en laine, mais Infrascreen propose des revêtements plus efficaces, composés de nano-couches transparentes développées par le CSEM. Nous ajoutons une fonction supplémentaire à l’écran, en lui permettant de retenir à l’intérieur de la serre la chaleur émise par le sol sous forme de radiations.»

Selon des analyses indépendantes délivrées en juin par le laboratoire WUR en Hollande, région leader mondiale en matière de serres, l’écran thermique d’Infrascreen a démontré qu’il réduisait de 40% les émissions de CO2 liées au besoin de chauffage des serres, tout en augmentant le rendement des cultures de l’ordre de 15%. 

Pression sur les marchés

L’enjeu est donc considérable pour les maraîchers, qui sont priés de réduire rapidement leurs émissions carbones, tout comme les distributeurs. «Migros a notamment signalé vouloir commercialiser uniquement des fruits et légumes cultivés à l’énergie renouvelable d’ici à 2025», signale Henri de Lalande. «Or, actuellement, 90% des serres helvétiques sont encore chauffées au gaz naturel.» Le modèle de la jeune pousse neuchâteloise permet en outre de conserver les atouts propres aux serres, à savoir une réduction de l’utilisation de l’eau, des pesticides et de l’espace cultivé. 

Cela implique-t-il que l’on va voir les serres se démultiplier sur tout le territoire agricole? Benoît de Combaud repositionne les choses. «L’agriculture est un marché qui a l’air simple, mais qui est très complexe. Elle utilise 70% d’eau potable dans le monde, génère 25% d’émissions de CO2 et occupe 50% des terres habitables», rappelle-t-il. «Si l’on peut produire plus sur une même superficie, en utilisant des ressources naturelles comme le soleil et en diminuant la consommation en eau, on doit le faire.» 

Origines terriennes

Entrepreneurs dans leur ADN, les deux hommes sont des bêtes de compétition et ont accumulé les prix avec leur précédent projet (Fondation suisse pour le Climat, Prix Vittoz, Concours Venture Kick 2013). Une étape qui n’est pas un but en soi. «Les récompenses sont un tampon au début, c’est important pour faire connaître la start-up et recruter des talents», précisent-ils à l’unisson. Ce projet agrotech revêt tout de même une saveur particulière pour eux, car il les rapproche de leurs racines familiales agricoles.

Tiphaine Bühler

Une trentaine d’emplois à la clé

La réduction en CO2 de leur écran de serres ayant été validée, Infrascreen va s’attaquer à durcir sa «proof of concept» en évaluant la durabilité de son produit. Sa technologie est-elle toujours aussi performante sur le long terme? Les tests seront faits entre la Suisse, l’Allemagne et la Hollande. «Nous visons l’industrialisation du premier pilote pour cet hiver», relève Benoît de Combaud.

«A terme, nous souhaitons installer une usine dans le canton avec une trentaine d’emplois à la clé. Nous avons déjà commencé à recruter», signale Henri de Lalande, qui va s’établir dans la région. «Le marché des écrans de serres représente 50 millions de mètres carrés vendus par an dans le monde, ce qui se traduit par près d’un milliard de francs par an. Il y a donc une place à prendre», poursuit-il. «Pour le moment, nous visons une levée de fonds de 2 millions pour la phase d’amorçage, cela pour la fin de l’année».

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