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Colza bio et conventionnel: deux agriculteurs défendent leur choix

Qu’il soit cultivé de manière biologique ou non, le colza neuchâtelois donne du fil à retordre aux agriculteurs, qui se battent contre les mêmes nuisibles.

26 août 2019, 19:17
Le colza représente un peu plus de 10% des surfaces dans le canton de Neuchâtel, à raison de 10 hectares en biologique, contre 440 en conventionnel.

Exigeante, ingrate et imprévisible: c’est ainsi que deux agriculteurs du Littoral neuchâtelois décrivent la culture de colza. A Areuse, Quentin Ducommun travaille de manière biologique, sans aucun produit phytosanitaire, ainsi que l’exige le label Bourgeon bio suisse. A Boudry, Christophe Ummel le cultive de manière conventionnelle, en s’acquittant des prestations écologiques requises (PER) par la Confédération.

Semé en août, récolté en juillet de l’année suivante, le colza est surtout destiné à produire de l’huile. Sa culture représente un peu plus de 10% des surfaces dans le canton de Neuchâtel, à raison de 10 hectares en biologique contre 440 en conventionnel, pour un rendement moyen d’environ 3,5 tonnes par hectare.

Sensible aux attaques

«Le colza est sensible aux attaques des insectes, qui peuvent totalement détruire la récolte, souligne Yann Huguelit, directeur de la Chambre neuchâteloise d’agriculture et de viticulture (CNAV). Il nécessite donc d’être cultivé dans des secteurs propices.»

Parmi les nuisibles figure le méligèthe, qui fait avorter les boutons non éclos en se nourrissant de leur pollen. «Il s’agit du pire ennemi du colza tant qu’il n’est pas en fleur, mais il devient ensuite son meilleur ami, car il contribue à sa pollinisation», souligne Quentin Ducommun. «Une fois les fleurs écloses, le pollen tombé sur les feuilles est suffisant pour rassasier ce coléoptère, qui ne pose alors plus de problèmes au développement de la plante», abonde de son côté Christophe Ummel.

Autre menace: la grosse altise. Ce coléoptère pond ses œufs dans les parcelles au mois de septembre. Entre ses morsures sur les plantules et ses larves qui se développent en hiver dans les pétioles et les tiges, il est passablement néfaste. L’année dernière, à la suite de lourdes pertes en 2016 et 2017, Christophe Ummel avait demandé l’autorisation de la Station phytosanitaire cantonale d’utiliser un insecticide face à la présence massive de ces insectes dans son champ.

Une démarche qui n’est pas restée indolore: l’agriculteur a perdu la prime Extenso de 400 francs par hectare, qui rémunère les cultures sans utilisation d’insecticides ni de fongicides.

Des enjeux différents

Cette année, pour tenter de contrer ces ravages et éviter l’utilisation d’un traitement, Christophe Ummel a semé son colza à la mi-août, soit quinze jours avant la date traditionnelle. «J’espère ainsi qu’il sera suffisamment robuste pour supporter l’attaque des altises tout en ne se développant pas trop avant l’hiver.» Le gel pourrait en effet causer d’importants dégâts si la pousse principale est déjà formée.

C’est un état d’esprit, je m’adapte au lieu de lutter et j’investis en semences ce que je payais auparavant pour les traitements phytosanitaires. Les bons clients s’adaptent également.
Quentin Ducommun, cultivateur bio

L’automne dernier, le colza de Quentin Ducommun a lui aussi été victime des insectes et des mauvaises herbes. L’agriculteur bio ne s’en est pas fait pour autant des cheveux gris: «10 à 20% de mes cultures subissent des couacs chaque année. C’est embêtant, mais je fais avec.» Comme le colza ne représente que 10% de ses surfaces et que son huile pressée à froid est vendue sur place – comme les autres produits de sa ferme –, il adapte facilement ses rotations de cultures.

«C’est un état d’esprit, je m’adapte au lieu de lutter et j’investis en semences ce que je payais auparavant pour les traitements phytosanitaires. Les bons clients s’adaptent également.» 

Pour Christophe Ummel, qui cultive pour un client une variété pouvant être raffinée en huile de friture, l’enjeu est différent. «Je suis en faveur de la réduction des interventions, mais il faut garantir un certain rendement.» 

Des méthodes communes

Les deux professionnels se rejoignent toutefois dans leur lutte contre les mauvaises herbes en utilisant la méthode de la culture associée. «L’objectif est d’occuper le terrain avec des espèces comme le sarrasin, qui va tapisser le sol sans concurrencer le colza», explique Christophe Ummel. «Ou comme les lentilles, qui apportent en plus beaucoup d’azote à la culture», note Quentin Ducommun.

«Ce que j’apprécie avec les contraintes du label bio, c’est de ne plus avoir à peser le pour et le contre au sujet de l’utilisation d’un traitement phytosanitaire: je n’ai plus d’autre choix que de ne rien faire», sourit Quentin Ducommun. Un casse-tête en moins, mais qui a des conséquences. Selon l’Union suisse des paysans (USP), le rendement moyen du colza cultivé de manière biologique est de 2,4 tonnes par hectare, contre 4 en production conventionnelle. «Quoi qu’il en soit, l’agriculteur conventionnel aime la nature autant que ses confrères bio et ne se réjouit pas d’utiliser des traitements phytosanitaires quand il doit s’y résoudre.»

Anthea Estoppey

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