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Une «gifle morale à notre Etat de droit»

10 juin 2011, 11:05

Une offense, une «infamie», une «gifle morale à notre Etat de droit»: les Italiens, toutes tendances politiques confondues, n'avaient pas de mots assez forts hier pour condamner le rejet de la demande d'extradition du terroriste Cesare Battisti par le Brésil et sa remise en liberté immédiate. Le président Giorgio Napolitano s'est fait l'interprète de cette humiliation en déclarant que le verdict rendu mercredi soir par la Cour suprême brésilienne «déroge aux rapports historiques de consanguinité et d'amitié qui prévalent entre les deux pays». Il s'est solidarisé avec les familles des quatre victimes tuées par Cesare Battisti en 1977, évoquant ces «crimes horribles».

L'Italie va se pourvoir devant la Cour internationale de justice. Le tribunal de La Haye devra dire si la convention d'extradition conclue en 1989 entre les deux pays n'a pas été violée. Une démarche assurément longue. Au ministère italien des Affaires étrangères, on indiquait hier qu'il faudrait plusieurs semaines pour constituer un dossier «ayant une solide base juridique: nous ferons valoir que, dans ce verdict, les considérations politiques ont prévalu sur les arguments de droit».

Amertume et vive réprobation

Silvio Berlusconi a exprimé son «amertume» et sa «vive réprobation». L'Italie, a-t-il affirmé, est déterminée à obtenir le respect des accords internationaux unissant les deux pays. On a toutefois l'impression d'assister à une fin de partie. Cela fait 20 ans que l'Italie cherchait en vain à obtenir l'extradition du terroriste. Une première fois en 1991, à son arrivée en France, venant du Mexique où il s'était réfugié après sa fuite de prison. Au nom de la «doctrine Mitterrand», qui excluait toutefois une amnistie pour les crimes de sang, le terroriste a coulé des jours tranquilles à Paris, dans le cocon de la communauté intellectuelle de gauche qui a toujours refusé de considérer l'Italie comme un Etat de droit alors que tous les partis de la péninsule, de la droite aux communistes, appuyaient la demande d'extradition.

Une deuxième fois, après son arrestation en 2007 à Rio de Janeiro. En novembre 2009, le Parlement italien avait applaudi la décision de la Cour suprême du Brésil d'autoriser l'extradition sur la base d'arguments de droit mais avait laissé la décision finale au président Lula. En décembre dernier, celui-ci avait refusé de confirmer l'extradition, au dernier jour de son mandat, au nom de prétendus «risques pour la vie» de Cesare Battisti en Italie.

L'affaire va-t-elle dégrader les rapports entre les deux pays? Il semblerait que non. A Brasilia, le 1er septembre dernier, Silvio Berlusconi avait tenu à faire un distinguo entre cette affaire judiciaire et la raison d'Etat, qui commande de préserver des intérêts économiques se chiffrant à sept milliards d'euros d'échanges commerciaux et dix milliards d'euros de contrats d'affaires.

Des répercussions se feront sans doute sentir: un refroidissement diplomatique, des récriminations lors de la grande conférence Italie-Amérique latine prévue à Rome en octobre. Certains vont jusqu'à appeler au boycott de la Coupe du monde de football qui se tiendra au Brésil en 2014. Mais comme l'affirmait hier un diplomate, l'Italie refuse de devenir «l'otage de Battisti».

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