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Un empire en quête de son unité

04 juin 2011, 10:51

Voici cinquante ans, sur fond de crise de Berlin, se tenait la conf?rence de Vienne entre le pr?sident am?ricain John Kennedy et le Premier secr?taire sovi?tique Nikita Krouchtchev (lire ci-dessous).

C'?tait le temps de la Guerre froide et des relations Est-Ouest ponctu?es de phases de ?tension? et de ?d?tente?. Gain?e dans son id?ologie, l'URSS poussait ses pions jusqu'? son d?clin de 1991. Si l'id?ologie a fait long feu, qu'en est-il de l'imp?rialisme russe aujourd'hui?

El?ments de r?ponses avec Philippe Migault, chercheur ? l'Institut de relations internationales et strat?giques (IRIS) ? Paris.

Ancien journaliste sp?cialis? dans les questions de d?fense, il a fait de son domaine d'expertise la politique, l'?conomie et la d?fense des Etats de la Communaut? des Etats Ind?pendants (CEI), entit? intergouvernementale compos?e notamment de 11 des 15 anciennes r?publiques sovi?tiques.

Aujourd'hui comment percevez-vous le nouvel imp?rialisme russe?

A mes yeux, il n'existe pas de nouvel imp?rialisme car les Russes ont d?velopp? une vision du monde bien diff?rente de la n?tre puisque leur empire s'est d?velopp? vers la Sib?rie et l'Extr?me-Orient, sur des territoires vides ou quasi-vides. En dehors de l'Asie centrale, ils n'ont pas eu ? r?aliser de conqu?tes au d?triment d'autres peuples comme les Am?ricains contre les Indiens ou les Europ?ens contre les peuples d'Afrique ou d'Asie. Leur vision de l'empire est purement d?fensive, il s'agit de garantir la s?curit? des fronti?res.

Cette approche est-elle de nature ? fausser la perspective des Occidentaux?

Tout d?pend de la vision de l'Europe que vous cultivez. Soit vous la consid?rez comme un grand march? commercial et vous d?ployez une vision anglo-saxonne, nourrie exclusivement de d?mocratie et de lib?ralisme. Les Europ?ens qui pensent ainsi sont les plus atlantistes.

Soit vous ?tes port? par une vision qui fait de l'Europe un ensemble culturel ciment? par le christianisme, la civilisation gr?co-latine et jud?o-chr?tienne, mais aussi par la reconnaissance de la forte influence qu'y a exerc? le marxisme et vous obtenez une Europe o? la Russie a toute sa place. C'est l? ma sensibilit?. vous l'aurez compris.

Cependant, sur ses marches de l'Ouest, l'empire russe est souvent prompt ? r?agir non?

De quoi s'agit-il? de l'Ukraine et du B?larus, des territoires qui sont de toute fa?on russes aux yeux des Russes. L'Ukraine a ?t? rattach?e ? la Russie en 1654, bien avant que l'Alsace-Lorraine ne rejoigne la France. La partie orientale, ? l'est du Dniepr, a toujours ?t? russe. L? encore, il ne faut pas penser ? un imp?rialisme, ? une volont? de domination, mais ? une Russie qui cherche ? r?aliser sa r?unification, comme l'Allemagne l'a fait.

C'est aussi pour cette raison que la Russie n'a pas voulu entendre parler de l'entr?e de l'Ukraine dans l'Otan?

La Russie s'est oppos?e ? l'int?gration de l'Ukraine dans l'Otan tout comme la France et l'Allemagne. On sait bien qu'il peut y avoir l? risque de casus belli m?me si la Russie n'a plus les moyens militaires de ses ambitions.

Cela signifie aussi que la guerre froide l'est d?finitivement?

La Guerre froide est finie depuis longtemps et il ne faut pas oublier que celui qui a rendu les armes, c'est Gorbatchev.

Qui sait si, sans lui, l'URSS n'aurait pas ?t? tent?e d'aller au coup de force. La premi?re main tendue vient de lui et il n'a pas ?t? compris car Reagan esp?rait une sorte de capitulation. Mais d?s 1991, Gorbatchev a pos? la question de l'entr?e de la Russie dans l'Union europ?enne. Puis Mitterrand et Gorbatchev ont avanc? un projet d'une ?maison commune?. Et sous Elstine, on a ?voqu? la possibilit? d'une int?gration de l'Otan ? moyen terme.

A ces demandes, on a oppos? des ?oui mais ? nos propres conditions?, et elles n'?taient pas admissibles pour les Russes. C'est ce qui explique cette relation ambivalente marqu?e d'amour-haine qui caract?rise les rapports entre la Russie et l'Europe.

Selon vous, une chance historique a ?t? loup?e?

Oui! Mais il n'est pas dit qu'elle ne se repr?sente pas. On croyait que la fin de l'URSS allait tout r?soudre. Qu'avons-nous aujourd'hui: des Etats ingouvernables, une Asie centrale devenue un d?potoir en proie ? la mont?e des terrorismes?

Alors quels sont les nouveaux alli?s de la Russie actuelle?

La Russie a tourn? le dos ? l'Union europ?enne mais elle a des alli?s en Europe: la France, l'Allemagne et l'Italie. Elle d?veloppe aussi des relations suivies avec le Br?sil, l'Inde et l'Afrique du Sud.

Et la Chine dans tout ?a?

C'est ? dessein que je ne l'ai pas cit?e. La Chine et la Russie sont contraintes de s'accorder pour tenir en respect l'hyper-puissance et emp?cher les Am?ricains de prendre pied en Asie l? o? les deux pays sont confront?s ? leurs propres tensions.

La Chine et l'URSS se sont affront?s en 1969 sur les rives de l'Oussouri. Dans ces immenses r?gions mais aussi dans l'Extr?me-Orient russe une minorit? russe contr?le des gisements de gaz, de p?trole, d'uranium et du bois, autant de ressources naturelles n?cessaires ? la croissance de la Chine. Et dans ces r?gions, nombre de territoires ?taient Chinois jusqu'en 1850-1860. A l'horizon de 25 ? 50 ans, cette situation contient les germes d'un nouveau Kosovo.

Vous ?voquez une volont? de contenir l'imp?rialisme am?ricain mais les USA appuient leur action en Afghanistan sur des bases en Asie centrale?

Effectivement, ils sont pr?sents au Kirghizistan et au Tadjikistan. Ils louent des bases, ce sont des entr?es de devises pour ces pays mais, la zone reste toujours l'arri?re-cour de Moscou.

Alors comment lire cette nouvelle g?opolitique?

Malgr? les tensions avec la Chine les pays du Bric (Br?sil, Russie, Inde et Chine) repr?sentent un poids ?conomique ind?niable et ils parviennent ? exercer une grande influence. L'Inde et la Russie se sont rapproch?es aussi pour contenir la Chine et d?veloppent, notamment en mati?re d'armement, des programmes de coop?ration.

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