Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Un bain de foule silencieux

07 juil. 2011, 11:16

Aung San Suu Kyi a quelque chose du joueur de flûte de Hamelin. Dans le sillage de la célèbre opposante birmane, les foules se pressent irrésistiblement.

Malgré sa longue réclusion dans sa maison délabrée de Rangoun et des élections truquées par les généraux qui l'ont marginalisée, les villageois accourent pour apercevoir sa frêle silhouette et pleurent. Aung San Suu Kyi, c'est la défiance à un régime qu'ils exècrent. L'espoir d'un miracle après 60 ans de dictature militaire. Des miettes de liberté qui leur procurent l'ivresse.

Pour son premier déplacement en dehors de Rangoun depuis la levée de son assignation à résidence en novembre dernier, l'icône de la lutte pour la démocratie a choisi la vallée de Pagan, l'un des plus beaux sites architecturaux du monde. Au détour des temples, à l'orée de la forêt sacrée des nats, les génies bienfaisants, elle a prouvé qu'elle était toujours l'objet d'une vénération unanime.

Prison à ciel ouvert

Mais sa marge de manœuvre est étroite. Depuis huit mois, elle s'est abstenue de confrontation directe avec cette junte déguisée en gouvernement civil. Elle s'en est tenue à des questions politiquement moins sensibles comme l'environnement et la santé. Mais si elle se cantonne au terrain social, son image politique risque d'en souffrir.

Ne voulant fournir aucun prétexte aux généraux de l'enfermer à nouveau, elle a présenté cette sortie à haut risque comme des vacances, les premières qu'elle s'accorde en 20 ans, avec son fils cadet Kim et a renoncé à toute déclaration publique. Mais les dizaines de policiers en civil sur ses talons qui veillent à ce que l'enthousiasme des retrouvailles ne bascule pas, savent bien qu'il s'agit d'un premier test politique.

De plus en plus isolée

A 65 ans, elle apparaît de plus en plus isolée. Plus de 2000 opposants croupissent encore dans d'infâmes geôles. Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, qui l'avait conduite à une victoire aux législatives de 1990 annulées par la junte, a été dissous en septembre. Il est urgent qu'elle réorganise ses réseaux.

Même dans la nouvelle «démocratie disciplinée et florissante», la magnanimité des généraux a ses limites: quand Aung San Suu Kyi a fait savoir fin mai qu'elle se rendrait dans la campagne birmane à la rencontre de ses partisans, le régime l'a aussitôt «sommée de cesser ses activités politiques» et mise en garde «des risques de chaos et d'émeutes, comme par le passé», si elle effectuait un tel voyage.

Sérieuses menaces

Une référence on ne peut plus claire à l'embuscade de Depayin, tendue fin 2003 par des hommes de main de la junte contre le convoi du Prix Nobel de la Paix, dans laquelle plusieurs dizaines de ses partisans avaient été tués. «Ces menaces doivent être prises au sérieux», a confirmé lundi Kyaw Win, le numéro deux de l'ambassade de Birmanie à Washington qui a fait défection et a demandé l'asile politique aux Etats-Unis. «La haute hiérarchie militaire consolide sa mainmise sur le pouvoir et cherche à faire taire les voix de ceux qui veulent la démocratie.»

Si la Birmanie reste un pays gouverné par la peur, les habitants de Pagan goûtent à la joie de partager leur prison à ciel ouvert avec la prisonnière préférée du pays.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias