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Témoignage clé d’une actrice au procès d’Harvey Weinstein

Annabella Sciorra a témoigné jeudi dans le procès contre Harvey Weinstein. Elle a détaillé le viol et le harcèlement sexuel dont elle aurait été victime. Accusé d’autres agressions, le producteur de 67 ans risque la perpétuité.

23 janv. 2020, 22:39
/ Màj. le 24 janv. 2020 à 06:53
L'actrice Annabella Sciorra, un des principaux témoins, et une victime d'Harvey Weinstein qu'elle a montré du doigt au début de son audition.

L'actrice Annabella Sciorra, la plus connue des femmes appelées à témoigner contre Harvey Weinstein lors de son procès à New York, a raconté jeudi en détails le viol et le harcèlement sexuel que l'ex-magnat d'Hollywood lui a supposément fait subir dans les années 90. Sa déposition est jugée cruciale pour ce procès emblématique du mouvement #MeToo.

Interrogée d'abord par la procureure de Manhattan Joan Illuzzi-Orbon, l'actrice connue pour son rôle dans la série "Les Soprano" a expliqué par le détail sa première rencontre avec Harvey Weinstein. C'était lors d'un dîner à Los Angeles au début des années 90. Jusqu'à l'hiver 1993-94 où elle affirme qu'il l'a violée à Manhattan, puis ses efforts pour oublier ce qui lui était arrivé.

 

 

S'exprimant d'une voix posée pendant environ cinq heures, ravalant brièvement quelques larmes, l'actrice de 59 ans a expliqué comment le producteur - qu'elle a montré du doigt au début de sa déposition, assis en costume sombre au milieu de ses avocats - s'est d'abord montré courtois avec elle, dont la carrière commençait alors à décoller.

Mais les choses ensuite se gâtent, selon elle: il la presse d'accepter un rôle dont elle ne voulait initialement pas. Puis la menace de l'attaquer en justice si elle ne tourne pas le film rapidement. Il lui envoie du valium, qu'elle se met à consommer pour la première fois.

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L'agression supposée intervient après un dîner à Manhattan avec d'autres personnes, à une date non précisée: il propose de la raccompagner chez elle avec son chauffeur.

Peu après avoir été déposée, alors qu'elle est en chemise de nuit et se prépare à aller dormir, on toque à la porte. Harvey Weinstein a alors forcé son entrée dans l'appartement, a-t-elle relaté.

Refus clair

Elle assure lui avoir dit qu'elle ne voulait pas avoir de relation sexuelle avec lui, en vain. Devant des jurés très attentifs, elle a levé les bras pour montrer comment Harvey Weinstein les aurait bloqués pour l'empêcher de se débattre. Elle dit avoir crié.

Elle ajoute ne pas se souvenir exactement ce qui s'est passé ensuite, sinon qu'elle a repris ses esprits couchée sur le plancher. Elle sombre dans la dépression, commence à boire et à se blesser volontairement en se coupant. Elle affirme avoir mis longtemps à comprendre qu'elle avait été violée.

 

 

"Je voulais faire comme si cela n'était jamais arrivé. Je croyais que (Weinstein) était quelqu'un de gentil, qu'il était normal. J'étais troublée. Je me disais que je n'aurais pas dû ouvrir la porte", a-t-elle expliqué.

"A l'époque, je croyais que le viol était quelque chose qui se commettait dans des allées sombres.... par quelqu'un qu'on ne connaît pas", a-t-elle ajouté.

Semer le doute

Dans son contre-interrogatoire, l'avocate de la défense, Donna Rotunno, s'est efforcée de saper la crédibilité de cette accusatrice-clé. Elle a mentionné des détails potentiellement embarrassants de son histoire personnelle, comme une possible liaison extraconjugale, sans visiblement déstabiliser l'actrice.

Jonglant avec une chronologie allant de 1990 aux déclarations de Mme Sciorra au procureur de Manhattan en janvier 2019, Mme Rotunno a essayé d'exposer d'apparentes incohérences et imprécisions. Elle a notamment souligné qu'en tant qu'actrice, Mme Sciorra était habituée à se présenter pour ce qu'elle "n'est pas".

L'avocate a aussi fait jouer pour les jurés un extrait d'une émission télévisée de 1997, avec le présentateur vedette David Letterman. Dans cet extrait, l'actrice reconnaît mentir parfois aux journalistes pour protéger sa vie privée.

Risque de perpétuité

Harvey Weinstein, resté tête baissée pendant l'interrogatoire de la procureure, s'est redressé pendant le contre-interrogatoire, observant attentivement son avocate. Le producteur de 67 ans risque la perpétuité s'il est condamné à l'issue de ce procès, prévu pour durer jusqu'au 6 mars.

Aussi essentiel que soit le témoignage de Mme Sciorra, son viol présumé est prescrit. Il ne fait donc pas directement l'objet de poursuites lors de ce procès, sinon pour convaincre les jurés que M. Weinstein était un prédateur "expérimenté".

D’autres agressions

Il est poursuivi pour deux autres agressions: une agression sexuelle forcée en 2006 sur une ex-assistante de production, Mimi Haleyi, et un viol en 2013 sur une actrice dont l'identité a été révélée mercredi, Jessica Mann. Ces deux femmes devraient témoigner ultérieurement, ainsi que trois autres actrices. Les deux femmes doivent témoigner à une date non précisée.

En attendant, l'accusation doit appeler vendredi une psychiatre, susceptible d'expliquer pourquoi les victimes d'agressions sexuelles peuvent nier ce qui leur est arrivé pendant des années.

Au total, plus de 80 femmes, parmi lesquelles des vedettes comme Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Léa Seydoux, ont depuis octobre 2017 accusé M. Weinstein de harcèlement et d'agressions sexuelles. La plupart des faits sont cependant prescrits.

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