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Révolte iranienne suspendue

11 juin 2011, 12:57

C'est tout ce qui lui reste. Un petit sac à dos, quelques vêtements et de l'argent en liquide. Il y a une semaine, Reza Ghazinouri a fait le grand bond: il a fui l'Iran par la frontière turque. Une traversée clandestine, de nuit, contre la somme de 1800 dollars remise à un passeur, l'essentiel de ses économies! «Il ne me restait plus qu'un choix: la prison ou l'exil. J'ai choisi l'exil», dit-il.

Par la lucarne d'une mauvaise connexion «skype», depuis ce petit appartement de la ville de Van, où il a trouvé refuge, il raconte ses derniers jours téhéranais: «Le verdict final du comité disciplinaire de mon université venait de tomber: j'étais expulsé pour de bon de la faculté de sociologie. Furieux, les webzines estudiantins ont publié la nouvelle. Et là, les autorités judiciaires ont menacé de m'arrêter. Si je restais, je risquais de lourdes peines.» Son «crime»? Avoir participé aux manifestations postélectorales.

Sentences plus lourdes

L'histoire de cet étudiant de 26 ans n'est pas singulière. Comme lui, des millions d'Iraniens sont descendus dans la rue, il y a deux ans, pour réclamer leur vote. Aujourd'hui, ils ont tout perdu: le rêve d'un changement, le droit d'étudier pour certains, le droit de travailler pour d'autres. Dans sa galère, Reza s'estime pourtant chanceux. A ce jour, une quinzaine de ses amis activistes sont derrière les barreaux. Sans compter ces milliers d'anonymes qui s'entassent dans les geôles du pays. Pression psychologique, torture, insultes... A huis clos, les nervis du régime se permettent tous les excès.

Pour «casser l'opposition», les sentences sont de plus en plus lourdes. Réduite au silence, l'avocate Nasrin Sotoudeh a été condamnée à 11 ans de prison. Le cinéaste Jafar Panahi a écopé de six ans d'emprisonnement et d'une interdiction de filmer pendant 20 ans. Il attend toujours le verdict de son appel. Les exécutions, elles, se multiplient à une allure inquiétante. D'après Amnesty International, elles s'élèvent à près de 200 sur le premier semestre 2011. Dernier exemple «choc» en date: celui de Sarah Bahrami, cette ressortissante irano-néerlandaise, pendue, fin janvier, pour «trafic de drogue» - une «fausse accusation», selon les organisations de défense des droits de l'homme.

Les activistes iraniens restent également en émoi depuis la mort, ce 1er juin, et dans des conditions particulièrement troublantes, de la dissidente Haleh Sahabi. Exceptionnellement libérée de prison pour assister aux obsèques de son père, elle aurait été attaquée par des agents de sécurité, selon des témoins oculaires présents lors du cortège funèbre. Les médias gouvernementaux évoquent, eux, une «crise cardiaque». «Aujourd'hui, le régime cherche à étouffer la moindre voix dissonante», se désole Reza Ghazinouri.

Lutte interne au pouvoir

Pourtant, il y a deux ans, «l'espoir était là», concède-t-il. D'abord, celui de la réorganisation du scrutin. Et puis, après qu'Ali Khamenei, le guide suprême, eut affiché sa détermination à conserver Mahmoud Ahmadinejad à son poste, celui de maintenir la pression de la rue pour faire plier le régime dans son intégralité. «Pendant de longs mois, les manifestations se sont poursuivies, malgré les coups de matraque. Parmi les protestataires, il y avait des étudiants, des femmes, des chefs d'entreprise, des ouvriers. Du jamais-vu», dit-il. La violence du régime finira par avoir raison des manifestants.

En février de cette année: nouveau regain d'espoir. Alors que le vent de la révolution tunisienne, puis égyptienne, déferle sur le monde arabo-musulman, les plus enhardis des Iraniens reprennent le chemin de la rue pour crier «Moubarak! Ben Ali! Au tour de Seyed Ali» - en référence à Ali Khamenei, numéro 1 du régime. Mais les coups tombent, de plus belle. Les leaders de l'opposition sont placés en résidence surveillée. Pendant ce temps, le noyau dur du pouvoir s'enferme, lui, dans une lutte interne entre conservateurs «traditionalistes» et «déviationnistes», excluant définitivement les réformistes de toute forme de débat politique.

Reza, comme beaucoup d'autres, finit alors par renoncer à la révolte. Car il ose le reconnaître: «Je ne suis pas prêt à mourir sous les balles.» Et c'est là, peut-être, la grande différence des Iraniens avec les Syriens ou encore les Yéménites. «Le contexte iranien est différent. La rue arabe se bat contre des régimes souvent imposés par des coups d'Etat. En 1979, nos parents ont déjà fait leur révolution contre le Chah. Mais ils en payent encore le prix fort, car leurs idéaux de démocratie ont été volés par un groupe minoritaire, les religieux», analyse-t-il.

«Les Iraniens, dans leur majorité, en ont ras-le-bol de la propagande que le régime nous assène depuis plus de 30 ans. Sous la cendre, les braises brûlent toujours...», prévient Reza.

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