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Papademos face à des travaux d'Hercule

11 nov. 2011, 04:15

Après trois semaines de psychodrame politique, la Grèce s'est enfin dotée hier d'un nouveau premier ministre. Le technocrate indépendant Lucas Papademos, qui fut de 2004 à 2009 le bras droit de Jean-Claude Trichet à la Banque centrale européenne (BCE), prêtera serment aujourd'hui à 14 heures, devant le chef de l'État et l'archevêque d'Athènes et primat de Grèce. Ici, l'Église orthodoxe et l'État ne sont pas séparés.

Papademos, 64 ans, dirigera un gouvernement de coalition bénéficiant du soutien de trois partis politiques: le Pasok (socialiste), la NouvelleDémocratie (centre droit) et le Laos (Alerte populaire orthodoxe). Hier, au Parlement, les députés réformistes du Pasok et de la ND se réjouissaient ensemble que leur rébellion de mercredi contre la nomination projetée du terne apparatchik socialiste Petsalnikos ait porté ses fruits. Pour Evangelos Antonaros, député ND, «la confusion avait gagné tout le pays. Les gens s'étaient rendu compte que l'enjeu était le maintien de la Grèce dans la zone euro. De partout nous parvenaient des messages appelant à la nomination non d'un politique classique, mais d'un économiste chevronné.»

450 000 emplois détruits

Sur le perron de la présidence de la République hellénique, Papademos, à peine nommé, a fait une courte déclaration, retransmise en direct sur toutes les chaînes de télévision du pays. «Je suis convaincu que la participation de la Grèce à la zone euro est une garantie de stabilité monétaire et aussi un facteur de prospérité économique», a-t-il dit alors que chacun avait en tête le nouveau chiffre du chômage, publié le matin même par l'Institut national de statistiques: 18,4%. La tranche d'âge des 15-29 ans est la plus touchée: 43,5% de chômeurs, contre 30,8% il y a un an. Quelque 450 000 emplois ont été détruits en Grèce en l'espace de deux ans.

Lorsque les journalistes demandèrent à Lucas Papademos si des élections anticipées auraient lieu le 19 février prochain, comme l'avait exigé publiquement, dimanche dernier, Antonis Samaras, le chef de la ND, le nouveau premier ministre est resté délibérément vague. En fait, au Parlement, la plupart des députés expriment de forts doutes sur cette échéance. Ils savent que le nouveau gouvernement a trop de pain sur la planche pour envisager une période d'incertitude électorale aussi proche. Il aura non seulement à faire ratifier par le Parlement l'accord européen du 27 octobre, mais aussi à négocier avec les banques la décote de 50% de leurs avoirs en obligations d'État. L'Union européenne attend en outre de lui qu'il mette en application les réformes promises par l'ancien gouvernement Papandréou, à savoir la baisse du nombre de fonctionnaires, l'augmentation des impôts directs et indirects, la privatisation d'un grand nombre de sociétés publiques (traitement des eaux, chemins de fer, électricité, ports, etc.).

Cure de rigueur

Comment réagiront à la cure de rigueur - que l'accord européen impose jusqu'à 2020 - les farouches syndicats grecs? «La solution, aujourd'hui, ce n'est pas de licencier encore des fonctionnaires, mais bien de relancer l'économie pour créer des emplois», déclare Ilias Iliopoulos, secrétaire général du syndicat Adedy, représentant les 670 000 fonctionnaires. Le siège du tout-puissant syndicat, donné par l'État en 1930, est un magnifique immeuble de trois étages, situé en plein centre-ville. «Les impératifs strictement monétaires ne doivent pas faire oublier la fondamentale vocation sociale de l'Union européenne!» poursuit le syndicaliste, tout en organisant au téléphone un arrêt de travail et une manifestation pour le 15 novembre.

Comme beaucoup de Grecs, Iliopoulos reproche aux politiques d'avoir maquillé les comptes publics, d'avoir dilapidé les fonds structurels reçus de l'Union européenne, d'avoir exagéré les dépenses militaires, tout en ne prenant aucune mesure contre la corruption qui sévit dans l'attribution des grands contrats de travaux publics. Lucas Papademos aura-t-il le charisme nécessaire pour faire passer auprès de la population de nouveaux sacrifices? La tâche lui sera d'autant plus ardue qu'il y a toute une école d'économistes grecs qui estime que l'Europe fait actuellement fausse route. «Nous avons pourtant l'exemple des États-Unis, où la Réserve fédérale a injecté en deux ans 1400 milliards de dollars supplémentaires sans pour autant provoquer un retour de l'inflation », explique lemathématicien et économiste Vangelis Papachristos, député indépendant exclu du Pasok pour avoir refusé de voter la loi remettant en cause les conventions collectives. «La rigueur pour la rigueur n'a pas de sens. Mais tant que les Allemands ne l'auront pas compris, la récession s'accroîtra sur tout notre continent.»

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