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«On ne peut vivre dans la terreur»

12 sept. 2011, 11:26

8h46 hier matin à Ground Zero. Quelques centaines de personnes se pressent autour du site et de la chapelle Saint Paul. Une cloche sonne le glas. Sur le trottoir, des proches des victimes, des dizaines de journalistes, beaucoup de policiers et quelques curieux. Le brouhaha de la foule s'apaise. Quelques larmes coulent sur les joues des plus âgés. Un écran géant indique: «8h46, le vol numéro 2 s'écrase dans la tour nord». Sur cet écran, le public va pouvoir suivre la cérémonie de commémoration du 11 septembre 2001 qui a lieu à l'intérieur du mémorial, auquel seules les familles des victimes ont accès.

«Je suis si heureux d'être en vie, et si triste aussi», confie Joe, 45 ans, qui a perdu plusieurs amis ce jour-là. Sur son épaule gauche, un tatouage à l'effigie des deux tours, avec cette date, gravée à jamais dans sa chair: 9.11.01. «Je vais en faire un autre sur mon dos, plus grand». Joe travaillait dans les tours au moment du drame, il a pu s'enfuir, mais sa vie s'est arrêtée ce jour-là. «Je n'ai qu'une idée en tête: revenir travailler dans les nouvelles tours. Je n'ai pas peur, on ne peut vivre dans la terreur».

«9h03, le vol 175 de United s'écrase dans la tour sud». Joe pince ses lèvres, regarde le ciel.

L'émotion parcourt la rue dans un voile de silence. Puis les journalistes reprennent doucement le fil de leur interrogatoire. Les noms des victimes sont égrainés comme un chapelet dans les haut-parleurs. Un peu plus loin, Mikael, sa femme et son fils de 4 ans distribuent des drapeaux américains au public depuis 6h du matin: «Le pays est devenu plus fort, se réjouit-il. Les habitants sont devenus plus unis, plus gentils». Une opinion qui n'est pas partagée par Anita, qui distribue des livres de prières à tour de bras: «Juste après la catastrophe, les gens se sont rapprochés de Dieu, ils ont prié. Ensuite, c'est comme si leur cœur s'était endurci en même temps que la politique et l'économie.»

De l'autre côté de la rue, l'émotion laisse la place aux controverses: «L'Etat et les agences n'ont pas fait leur boulot», s'irrite Allan. «Le patriotisme, c'est bien, mais il faut que cela soit suivi par des actes». Il y a les anti-Ben Laden et ceux qui sont persuadés que la tragédie a été organisée par le gouvernement. Les esprits s'échauffent.

La foule se disperse assez vite pourtant. Le dispositif mis en place par la police a l'air disproportionné. Les menaces d'attaques terroristes ont dû faire peur aux New Yorkais, qui semblent avoir préféré suivre l'événement à la télévision.

Enfin, il y a ceux qui ont boycotté l'événement: «La bonne attitude aurait été d'ignorer ce jour. On a perdu 10 ans, dépensé des milliards en Afghanistan et ailleurs. Ben Laden voulait saigner les Etats-Unis, finalement il a réussi», déplore cet ancien diplomate américain qui a travaillé à Berne. De l'incompréhension également chez Azam, chauffeur de taxi: «Ils ont fait de cet anniversaire une affaire commerciale. La moitié du cahier spécial du New York Times, c'était de la publicité. Pour entrer au mémorial (dès lundi) il faudra payer 20 dollars. Je ne pourrai jamais y aller avec ma famille, c'est trop cher.»

Concerts dans les parcs, expositions dans les musées, fêtes de rue, feux d'artifices, défilés de toutes sortes: ce week-end, New York a montré au monde qu'elle avait survécu au 11 septembre.

Une drôle de façon de pleurer ses morts, diront certains. Un moyen de ne pas sombrer dans le pessimisme ambiant, diront les autres…

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