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«Nous avions un tableau et une craie»

31 oct. 2011, 11:35

«J'ai enseigné, il y a quelques années, dans une école semi-privée de Santiago. Nous avions un tableau et une craie, aucun livre, mais quarante élèves par classe.» Eliana Flueckiger vit en Suisse depuis 13 ans. Elle a repris ses études à Neuchâtel. Son objectif: obtenir des équivalences et rejoindre les rangs de la Haute Ecole pédagogique (HEP), afin de pouvoir enseigner à nouveau l'histoire et la géographie. «La première fois que je suis entrée dans la salle de classe de ma fille pour une réunion de parents d'élèves, j'ai eu envie de pleurer tant la différence de moyens était grande», reprend-elle.

Pourtant, le Chili consacre une part importante de son budget à l'éducation. En 2008, selon un rapport de l'OCDE, plus de 7% du PIB lui était alloué - ce chiffre est stable depuis 2000. En comparaison, la Suisse en attribuait seulement 5,2%, la moyenne des pays de l'OCDE se situant cette même année à 6,1%.

«Il faut arrêter de croire que le Chili est un pays sous-développé», martèle Claude Auroi, professeur retraité du graduate institute menant actuellement une étude sur les mouvements étudiants au Chili. «Je travaille en ce moment à l'Université de Talca. C'est une université publique dans une petite ville d'environ 200 000 habitants. Elle est tout à fait moderne.»

Selon les sources, les propos divergent radicalement. Toutefois, et c'est un fait, depuis cinq mois, les étudiants montent aux barricades et donnent de la voix dans les grandes villes du pays. Leur objectif: obtenir «une éducation de qualité et gratuite», pour tous.

Une marchandise?

Chaque mois, un étudiant chilien doit débourser entre «170 000 et 400 000 pesos (réd.: entre 200 et 500 francs suisses) pour suivre un cursus universitaire, dans un pays ou le salaire moyen se situe à 512 000 pesos» (réd.: moins de 700 francs suisses), note le journaliste Victor de la Fuente dans un article du «Monde diplomatique». «La logique chilienne en matière d'éducation est radicalement différente de la nôtre», explique Claude Auroi. «La scolarité est considérée comme une marchandise. Elle doit être rentable.» Dis autrement, elle ne doit rien coûter à l'Etat. Mieux, elle doit dégager des profits... Même si une loi de 1981 empêche les universités d'entrer dans cette logique mercantile. Elles ont cependant trouvé la parade: elles créent des filières auxquelles elles louent leur propre bâtiment et échappent ainsi à la législation.

Cette logique s'est instaurée sous la dictature Pinochet et son modèle ultra-libéral. Dans le système scolaire, elle perdure au travers d'une répartition tripartite des écoles: écoles publiques, semi-privées et privées, et ce, dès l'enseignement primaire. En découle un système à deux vitesses. Les pauvres, ainsi que les classes moyennes, s'en trouvent laisés.

«Pour entrer dans les universités publiques, qui sont les meilleures aujourd'hui encore, il faut passer un examen. Ces tests se préparent. Cependant, les écoles publiques et semi-privées, en raison du manque de moyens et du grand nombre d'élèves par classe ne peuvent appréhender les programmes dans leur ensemble», explique Eliana Flueckiger. Résultat: les élèves des classes modestes, comme les plus démunies, ont moins de chance d'accéder à un enseignement supérieur public et de qualité. Cette situation freine la mobilité sociale et perpétue les inégalités.

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