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Marrakech entend résister à la terreur

Sans revendication, toutes les hypothèses sont examinées pour l'attentat de jeudi à Marrakech, d'al-Qaida à une déstabilisation intérieure. Deux Suissesses grièvement blessées.

30 avr. 2011, 13:06

Il fait gris ? Marrakech. Le temps colle ? l'humeur de la ville. Les touristes et les Marrakchis ont le cafard. Les premiers se racontent en boucle o? ils ?taient et ce qu'ils faisaient lorsque l'attentat a eu lieu. Ils se disent qu'ils auraient pu, eux aussi, prendre un th? au mauvais moment sur la terrasse du caf? restaurant Argana, un ?tablissement sans pr?tention qui offre une vue circulaire sur le folklore de la place Djema'a el Fna.

Les seconds se sentent salis par la tuerie aveugle d'avant-hier. La pri?re du vendredi termin?e, des hommes en gandoura remontent l'all?e encadr?e d'un c?t? par le mur d'enceinte du Club Med, et de l'autre par les rang?es de cal?ches. ?C'est un crime contre Allah?, assure un fid?le en montrant du doigt le b?timent d?vast? par l'explosion. Une centaine de jeunes manifestants viennent de se grouper au milieu de la c?l?bre place. Certains ont bricol? des slogans en fran?ais sur des morceaux de carton. ?Marrakech restera toujours une ville de culture, de libert? et de f?te?, ?Non ? la barbarie?.

La piste de l'Aqmi

Un portrait du roi est brandi, des drapeaux marocains agit?s. Les slogans fusent: ?Avec notre ?me, avec notre esprit, d?fendons le Maroc?, ?Ce n'est pas les terroristes qui nous feront fuir?. Les touristes prennent des photos. La d?monstration dure quelques minutes, puis la petite foule se disperse. ?On est venu pour dire qu'un individu, un fou, rend un peuple malheureux?, explique un manifestant.

Les visiteurs fl?nent comme d'habitude dans la m?dina. Les monuments et les jardins connaissent une affluence normale. ?Nous n'avons pas eu de d?parts pr?cipit?s, ni d'annulation pour les prochains jours. Un groupe de 70 Fran?ais vient c?l?brer un mariage chez nous ce week-end. Les mari?s m'ont dit au t?l?phone que tout le monde sera pr?sent comme pr?vu?, confie Mohammed Zizi, un directeur d'h?tel du quartier de l'Hivernage. ?Notre principal souci est de s'occuper des clients pour les rassurer. Ils ont re?u beaucoup de coups de fil de leurs proches qui s'inqui?tent. Nous essayons aussi de leur donner des informations sur les faits car il y a beaucoup de rumeurs.? La t?che est peu ais?e, car si des bruits courent, peu d'informations circulent sur les premiers r?sultats des investigations.

Hier, le ministre de l'Int?rieur, Ta?eb Cherkaoui, a affirm? que l'explosion avait ?t? d?clench?e ? distance, ce qui pourrait contredire la th?se d'un kamikaze, avanc?e la veille. ?Les premiers ?l?ments de l'enqu?te ont en outre montr? qu'un produit explosif compos? de nitrate d'ammonium ainsi que deux explosifs TATP, en plus de clous? avaient ?t? utilis?s, a d?clar? le ministre. Ta?eb Cherkaoui a ?galement indiqu? que le bilan de l'attentat s'?levait ? ?15 morts dont 12 ?trangers, et 26 bless?s?. A noter qu'un avion-ambulance de la Rega s'est envol? hier apr?s-midi de Zurich en direction du Maroc pour rapatrier deux touristes suisses gri?vement bless?es dans l'attentat de jeudi. Deux m?decins et deux membres du personnel soignant de la Garde a?rienne suisse de sauvetage ?taient ? bord de l'appareil.

Processus de d?mocratisation

En l'absence de revendication, l'heure est aux hypoth?ses. La piste d'une attaque d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) est souvent ?voqu?e. L'organisation, bas?e en Alg?rie et dans le Sahara, aurait cherch? ? r?aliser un coup spectaculaire en tuant des Occidentaux sur une place connue en Orient comme en Occident. ?Aqmi en veut particuli?rement ? la France depuis l'op?ration mont?e en juillet par les militaires fran?ais et mauritaniens dans l'affaire Michel Germaneau, qui a fait dix morts dans leurs rangs?, estime le sociologue Mohammed Darif, sp?cialiste de la mouvance islamiste. ?L'organisation a diffus? voici quelques jours une cassette sur les otages fran?ais enlev?s au Niger. Marrakech est, pour eux, une cible id?ale car c'est une ville tr?s fran?aise pas tr?s ?loign?e de leur p?rim?tre.?

Reste qu'Aqmi ?tait jusqu'? pr?sent peu active sur le sol du Maroc, un pays o? les actes terroristes d'envergure sont exceptionnels. Les derni?res tentatives d'attentats remontent ? 2007. Quatre jeunes de Casablanca qui ?taient engag?s, semble-t-il, dans un djihad personnel, s'?taient fait exploser avant d'atteindre leurs cibles ou avaient ?t? abattus.

Si elle est bien s?r cr?dible, la piste d'Aqmi n'est pas la seule. L'attentat intervient en effet dans le contexte des ?printemps arabes?. Au Maroc, le roi a promis des r?formes politiques importantes pour renforcer la d?mocratie. Il a lanc? ses projets sous la pression de jeunes manifestants qui r?clament, comme ailleurs dans la r?gion, plus de libert?. Cette initiative inqui?te les milieux conservateurs et n'a pas pleinement satisfait le Mouvement du 20 f?vrier, ? l'initiative de la contestation.

L'attentat ?tait-il destin? ? faire d?railler le processus? Mohammed Darif n'exclut pas l'hypoth?se. ?Certains milieux qui ont b?n?fici? de l'?conomie de la rente du pouvoir risquent d'?tre les victimes de la d?mocratisation du r?gime?, note-t-il. ?Ils ont pu ?tre tent?s de faire pression sur le Mohammed VI pour qu'il revienne aux anciennes m?thodes. Des extr?mistes peuvent aussi vouloir un durcissement du pouvoir pour radicaliser le Mouvement du 20 f?vrier et essayer de lancer une r?volution.? Et d'ajouter: ?Il faut prendre toutes les options au s?rieux?.

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