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Les talibans changent de tactique

22 sept. 2011, 17:55

C'est un vrai jeu de massacre et c'est apparemment la nouvelle tactique des talibans: faire le vide autour d'Hamid Karzaï à coups d'assassinats «ciblés», afin de saboter le processus de réconciliation nationale qui tient particulièrement à cœur au président afghan et aux Occidentaux. Un Afghanistan «unifié et pacifié» permettrait aux pays de la coalition engagés sur le théâtre afghan d'achever le retrait de leurs troupes en 2014, comme prévu, la conscience tranquille. A l'évidence, les talibans ont une autre idée de la manière dont ils entendent terminer la guerre.

Cette politique de la «terre brûlée», que les insurgés semblent désormais maîtriser à la perfection, a atteint son paroxysme avec l'assassinat, mardi soir, de l'ex-président afghan Burhanuddin Rabbani. Il était à la tête du Haut-Conseil pour la paix (HPC). Il a été tué dans sa résidence, située dans l'un des quartiers les plus sécurisés de Kaboul, par un kamikaze qui avait dissimulé une bombe dans son turban. Aujourd'hui sera un jour de deuil national en Afghanistan et, demain, l'ex-président aura droit à des funérailles nationales.

Rabbani rentrait d'un voyage en Iran lorsqu'il a rencontré son assassin. Revenait-il d'une mission de paix? L'homme qui venait lui rendre visite, un taliban soi-disant désireux de négocier, avait en tout cas gagné sa confiance, puisqu'il n'a pas été fouillé dans les règles. A-t-il bénéficié de complicités dans l'entourage de Rabbani?

L'ombre du mollah Omar

Selon plusieurs témoignages, le jeune homme, un certain Esmatullah, était en contact depuis plusieurs mois avec Rahmatullah Wahidyar, un taliban repenti devenu membre du HPC. C'est ce dernier qui l'aurait présenté à Rabbani. Esmatullah aurait affirmé être porteur d'un «important message de la choura de Quetta», le conseil des talibans en exil au Pakistan, dirigé par le mollah Omar, leur leader historique. La proposition était alléchante, le mollah Omar restant à bien des égards la cheville ouvrière d'une éventuelle résolution politique du conflit afghan.

Or, le chef religieux ne semble pas prêt à entamer des négociations. Plus grave, il est acoquiné avec les Haqqani père et fils, des seigneurs de guerre afghans qui ont trouvé refuge dans la zone tribale pakistanaise du Waziristan du Nord. Eux-mêmes sont affilés à al-Qaida. Pis encore, les services secrets pakistanais de l'ISI voient dans le «réseau Haqqani» une carte à jouer pour placer les pions d'Islamabad dans un Afghanistan post-conflit.

Quelques heures avant l'assassinat de Rabbani, l'amiral Mike Mullen, le chef d'état-major des armées américaines, avait dénoncé à Washington avec une violence sans précédent la collusion entre l'ISI et le réseau Haqqani. «L'ISI a soutenu - et travaillé avec - de tels réseaux pour mener une guerre par procuration», a-t-il déclaré, affirmant que le soutien du Pakistan aux talibans ne pouvait plus durer.

Proche de Massoud

Burhanuddin Rabbani avait mollement présidé à la destinée d'un Afghanistan en pleine guerre civile, de 1992 à 1996, avant d'être chassé du pouvoir par les talibans. Mais il avait rehaussé de manière spectaculaire son image un peu falote après avoir été nommé par Karzaï à la tête du Haut-Conseil afghan pour la paix, en octobre 2010. Tadjik, Rabbani avait fondé en 1973 un parti d'obédience religieuse, le Jamiat-e-islami. Il avait combattu les Soviétiques dans les années 1980, puis il avait guerroyé contre les talibans avec ses compagnons d'armes, dont le très charismatique commandant Massoud, qu'il avait rassemblés au sein de l'Alliance du Nord.

Loin de constituer un handicap pour négocier avec les talibans, majoritairement pachtouns, les origines tadjikes de Rabbani et sa position à la tête de l'Alliance du Nord étaient au contraire un atout. Cela lui avait permis de rallier à la cause de la réconciliation nombre d'hommes politiques tadjiks, convaincus que l'«on ne peut pas parler avec les talibans». Hier, tous se sentaient trahis. «Ne nous y trompons pas, les talibans, qui ont commis tant de crimes contre le peuple afghan, ne veulent pas faire la paix», a lancé Abdullah Abdullah, un responsable de l'Alliance du Nord.

Avant même d'avoir existé, le processus de réconciliation en Afghanistan a été tué dans l'œuf avec l'assassinat de celui qui, après avoir longtemps guerroyé, était devenu un «faiseur de paix».

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