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Les ressources libérées par les glaces de l'Arctique aiguisent les appétits

10 sept. 2011, 11:18

L'Arctique, ?crin pr?serv?, aire de chasse des Inuits et des ours blancs, a entam? sa mutation. La fonte de l'inlandsis groenlandais, le r?veil des terres gel?es de Sib?rie, mais aussi et peut-?tre surtout, le d?clin programm? de la banquise ?estivale? bouleversent le visage de cette terre gel?e. Une m?tamorphose qui aiguise l'app?tit des puissances qui la bordent.

Du Canada d'abord. Les d?clarations de souverainet? coupl?es aux op?rations militaires men?es ces derni?res ann?es par la puissance nord-am?ricaine - canal du nord-ouest notamment - ne sont pas pass?es inaper?ues. Ce d'autant que certains voient bien dans les successives op?rations Nanook un message ? destination du voisin russe. Une Russie qui, il est vrai, aimerait voir les limites de son plateau continental (*) ?tendues au-del? des 200 000 miles nautiques de sa Zone ?conomique exclusive (ZEE). Soit au-del? de l'espace maritime sur lequel elle exerce des droits souverains en mati?re d'exploration et d'usage des ressources.

Des r?serves pour 17 ans

Le Danemark, plus pr?cis?ment la province autonome du Groenland et son potentiel p?trolier, mais aussi la Norv?ge et les Etats-Unis compl?tent le casting de ce qui ressemble furieusement ? une course aux ressources arctiques. Qu'elles soient gazi?res, p?troli?res, mini?res, que l'on parle de ressources vivantes aquatiques mais aussi purement strat?giques, les r?serves du p?le et de ses alentours sont ind?niablement importantes. ?Les r?serves potentielles de p?trole atteignent 10 ? 90 milliards de barils?, note Yves Mathieu, g?ologue sp?cialiste des questions p?troli?res. ?Sachant que la consommation annuelle mondiale tourne autour des 30 milliards de barils, ce n'est pas rien. Les chiffres avanc?s pour le gaz sont, eux encore plus importants. De l'ordre de 18 000 ? 56 000 m3, soit de 6 ? 17 ans de la consommation mondiale.?

Une manne non n?gligeable, m?me si incertaine, dont 98% du total dormirait dans les couches s?dimentaires incluses dans la limite des ZEE, glisse Yves Mathieu qui torpille les th?ories de course au p?le Nord avec le p?trole en point de mire. ?D'autres ressources int?ressent peut-?tre les Russes?, note le Fran?ais. ?L'eau, la faune par exemple. Par ailleurs, d'hypoth?tiques vis?es p?troli?res avaient d?j? ?t? ?voqu?es lorsque les Russes sont all?s planter leur drapeau ? 4200 m sous la surface de l'oc?an Arctique (r?d: en 2007 sur la dorsale Lomonossov). Pourtant, ce n'est pas sous le p?le que l'on va trouver du p?trole. A mes yeux, cette op?ration tenait d'avantage ? des questions de prestige. C'?tait le dernier endroit accessible o? cela n'avait pas ?t? fait. Les Am?ricains et les Canadiens avaient les moyens d'y parvenir, mais ils n'y ont pas pens?, ce qui doit encore les enrager.?

Professeur au d?partement de g?ographie de l'Universit? Laval au Qu?bec, Fr?d?ric Lasserre abonde dans le sens d'Yves Mathieu. Dans un expos? donn? en d?but d'ann?e ? l'Institut fran?ais des hautes ?tudes de d?fense nationale, le Canadien d?taille les enjeux d'un Arctique partiellement lib?r? des glaces. Il distingue en premier lieu la question de l'extension des plateaux continentaux de celle des d?troits. La premi?re, reconna?t Fr?d?ric Lasserre pourrait, s'agissant de quelques zones pr?cises, faire l'objet de litiges entre Etats c?tiers dans le cas de revendications sur le sous-sol marin. Mais ? l'image du r?glement russo-norv?gien sur les ressources de la mer de Barents (2010), le sp?cialiste table plut?t sur des arrangements ? l'amiable.

Une vieille affaire

Quant aux conflits portant sur la souverainet? des d?troits, Fr?d?ric Lasserre les limite ? de sempiternelles questions d'interpr?tation. Canadiens et Am?ricains, rappelle-t-il, sont notamment divis?s sur le transit par le passage du nord-ouest depuis les ann?es cinquante et l'affaire du superp?trolier ?Manhattan?. Un navire am?ricain ? coque renforc?e destin? ? tester la faisabilit? d'une route maritime par le nord.

Une route ? laquelle Fr?d?ric Lasserre ne croit pas. Ne serait-ce que par l'impr?visibilit? de l'ouverture et du retour des glaces dans la r?gion, explique l'expert. Mais aussi par la pr?sence croissante de petits morceaux d'icebergs. Des ?bourguignons? d'une surface de moins de 20 m2, pesant jusqu'? 120 tonnes, difficiles, voire impossibles ? rep?rer avec les radars traditionnels. Et pouvant d?s lors endommager les navires.

?On est loin d'une concurrence avec les routes maritimes actuelles qui passent par Suez ou Panama?, note Yves Mathieu. ?D'autant qu'il faudrait ?quiper cette route.? Le passage du nord-ouest ne dispose pas de ports, confirme Fr?d?ric Lasserre. Donc pas de moyens de secours rapides. Les rares navires ayant jusqu'ici emprunt?s le passage l'ont d?s lors fait accompagner de brise-glace de la Garde c?ti?re canadienne.

Comme le souligne Fr?d?ric Lasserre, l'Arctique ne semble donc pas vou? ? devenir le champ de bataille, chaud ou froid, que les d?clarations ? l'emporte-pi?ce de dirigeants en qu?te de suffrages - le premier ministre canadien en t?te - pourraient laisser entrevoir. Reste que l'?volution du climat place sans conteste l'Arctique au c?ur d'enjeux strat?giques ind?niables.

*La partie des fonds marins et de leur sous-sol sur laquelle un Etat c?tier a une juridiction ?conomique, au-del? de ses eaux territoriales.

A lire:
?Le dernier si?cle du p?trole? La v?rit? sur les r?serves mondiales?, Yves Mathieu, ?ditions Technip.

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