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Les rebelles à l'assaut de Syrte

31 août 2011, 10:44

Les gros canons montent en ligne. Sur la route de Syrte, la ville natale de Kadhafi, huit camions militaires remorquent chacun une pièce d'artillerie de 75 ou 105 millimètres plutôt poussiéreuse. La colonne déclenche des cris et des tirs de joie dans chaque village. Elle se mêle aux véhicules habituels des insurgés, des pick-up chargés de combattants vêtus d'uniformes disparates, qui ne peuvent s'empêcher de lâcher des rafales vers le ciel.

Mais les canons représentent une nouvelle donne. Si la ville de Syrte doit être reprise par la force, la guerre sera très différente de celle du printemps, quand des insurgés désorganisés s'avançaient sur les routes avant de reculer à la première salve de roquettes. Désormais, la puissance de feu est de leur côté, sans que l'on sache exactement de quelles armes disposent les kadhafistes retranchés dans la ville.

Le Conseil national de transition (CNT), l'organe politique de la rébellion, a fixé hier un ultimatum jusqu'à samedi. «Le lancement de la bataille finale est imminent», a détaillé le colonel Bani, porte-parole militaire des rebelles à Benghazi. «Nous continuons de rechercher une solution pacifique, mais samedi nous emploierons des moyens différents face à ces criminels.»

Mitrailleuses lourdes

Autrement dit, les armes parleront, et elles ne donneront pas l'impression de sortir d'un film de la série Mad Max. Un peu après Ben Jawad, dernière agglomération conquise, la colonne bifurque d'ailleurs pour se diriger vers un entrepôt. Là, les pièces seront nettoyées et remises à niveau. A l'extérieur, trois canons propres et recouverts de leurs housses sont alignés au cordeau. En regardant bien, on découvre d'autres canons de plus petit calibre le long de la route. D'où viennent-ils? Peut-être d'un arsenal des kadhafistes. Les militaires restent évasifs. On les rencontre le long de la route, cantonnés dans des hangars ou des stations-service, allongés sur des matelas, leur fusil d'assaut au côté. Puis à leur avant-poste, aux abords de Nofilia, à environ 120 kilomètres de Syrte, au milieu d'une étendue jaune et aride.

Des pick-up armés de mitrailleuses lourdes ou de canons antiaériens attendent à l'ombre de buissons d'épineux. D'autres stationnent au carrefour voisin. De temps en temps, un véhicule quitte cet avant-poste du désert pour s'élancer sur la route toute droite qui mène à Syrte, derrière l'horizon. Les pick-up poussent des reconnaissances et s'accrochent parfois avec des patrouilles ennemies.

«Eviter le sang»

Certains des hommes du carrefour, qui se présentent comme des officiers, évoquent l'ultimatum de samedi. «Mais on aimerait bien éviter le sang», dit Ibrahim, quinquagénaire à barbe grise, ancien technicien radar qui affirme commander 35 hommes. Le souhait est partagé par tous ces hommes qui tournent un peu en rond. Les négociations, jurent les membres du CNT à Benghazi, se déroulent uniquement au téléphone, avec les chefs tribaux. «Nous ne parlons pas avec les kadhafistes», dit un représentant du CNT, Hassan Asaghair.

L'autre sujet de conversation, c'est la progression des forces de l'insurrection de l'autre côté, à partir de Misrata, à l'ouest de Syrte. Les combattants jurent qu'ils aimeraient «arriver en même temps» que les autres. Une entrée des Misrati, la confédération tribale qui a donné son nom à la ville, ajouterait au prestige de la cité résistante, qui a tenu plusieurs mois contre le siège des kadhafistes. Elle lui donnerait aussi un poids politique accru dans l'après-Kadhafi. Les Misrati, souvent d'origine turque, sont fiers de leur histoire, de leur République indépendante qui tint tête aux Italiens de 1918 à 1921. Ils entendent bien retrouver une place prépondérante dans la nouvelle Libye. Et sont loin de se satisfaire de l'unique siège dont ils disposent parmi les 43 que compte le CNT.

Les islamistes à la barbe broussailleuse, assez présents à l'avant-poste du désert, ont sans doute une opinion différente. Venus pour la plupart des villes de Benghazi ou d'Ajdabiya, situées plus à l'est, la plupart des soldats de l'armée révolutionnaire devront s'entendre demain avec toute la Libye, et accepter peut-être une redistribution des cartes politiques et militaires avec les autres régions.

Tous ne resteront pas dans l'armée. Nir, fluet étudiant en médecine bardé de chargeurs de kalachnikov, veut toujours devenir médecin. Walid al-Tagiri, quadragénaire à l'allure sportive, du genre que l'on acquiert dans les salles de gym, espère bien relancer sa société de services à l'industrie pétrolière, une entreprise privée, mais sur de nouvelles bases: «Après la guerre, la compétition devrait être plus ouverte.»

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