Ils se sont quittés tels qu’ils se sont connus, avec ce mélange de distance calculée, de proximité obligée et de petites «piques» teintées d’ironie, et parfois d’agacement. Angela Merkel était à Moscou vendredi pour faire ses adieux de chancelière à Vladimir Poutine qu’elle connaît mieux que personne: ils se fréquentent depuis son arrivée à la tête du gouvernement allemand à Berlin, en 2005. Ces deux bêtes politiques, vétérans de la scène internationale, sont les seuls à pouvoir en dire autant au sein du G20.

Pour Angela Merkel, qui a déjà indiqué qu’elle quitterait le pouvoir à l’issue des législatives du mois prochain en Allemagne, il s’agissait de la vingtième visite dans la capitale russe. «Nous nous sommes toujours trouvés au bout du fil», a plaisanté Vladimir Poutine, tandis qu’en plein entretien au Kremlin le téléphone sonnait dans la poche de son interlocutrice, gênée. A la veille de la visite, la presse russe soulignait qu’entre les deux dirigeants, le dialogue formel avait toujours pris le pas sur les conversations amicales. On se souvient, ainsi, de l’épisode du labrador de Vladimir Poutine, que son maître avait laissé importuner la dirigeante allemande, connue pour sa peur des chiens, lors d’un entretien à Sotchi en 2007.

Des relations au plus bas

Angela Merkel s’en va alors que les relations avec la Russie, souvent orageuses, sont au plus bas. Une déconvenue, certainement, pour la native de l’ex-RDA et russophone qui a longtemps, mais en vain, voulu jouer les intermédiaires entre les Européens et le grand partenaire oriental. Vendredi encore, elle a plaidé pour la relance du dialogue avec Vladimir Poutine. «Même si nous avons de profonds différends, nous nous parlons et cela doit continuer ainsi», a-t-elle déclaré au cours de cette visite protocolairement réduite a minima – dépôt de gerbe, entretien, conférence de presse. De fait, les «profonds différends» se sont accumulés ces derniers mois – jusqu’à ces derniers jours. Ainsi sur l’Afghanistan, qui a pris inopinément la tête d’agenda, puisque, tandis que Moscou saluait les «signaux» positifs venus de Kaboul, la chancelière déplorait, pour sa part, avec le retour des talibans, une situation «amère, dramatique et terrible».

Assassinat en 2019 d’un Géorgien à Berlin, attribué aux «services», affaires d’espionnages ou de cyberattaques visant l’Allemagne, la liste des contentieux est longue. Surtout, le cas d’Alexeï Navalny «pèse lourdement sur la relation avec la Russie», comme l’a souligné mercredi le porte-parole de la chancelière, Steffen Seibert. La visite intervenait un an, jour pour jour, après la tentative d’empoisonnement de l’opposant, soigné à Berlin, puis emprisonné dès son retour en Russie, en janvier dernier. Angela Merkel n’a pas manqué vendredi l’occasion pour demander la libération de l’opposant lors de sa conférence commune avec Vladimir Poutine. La diplomatie russe avait pris les devants, en publiant précédemment un long communiqué accusant Berlin et ses alliés de se servir de l’affaire Navalny pour «attaquer» Moscou et s’ingérer dans les législatives russes prévues, elles aussi, en septembre.

Déconvenue sur l’Ukraine

Mais c’est sans doute sur le dossier ukrainien – où Angela Merkel s’est beaucoup investie -, que sa déconvenue est finalement la plus cuisante, tant le processus de paix apparaît dans l’impasse. Dans la foulée de sa visite à Moscou, la chancelière ira dimanche à Kiev pour tenter de redorer son blason in extremis. Sa cote est en effet au plus bas avec la mise en place, envisagée pour octobre, du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l’Allemagne en contournant l’Ukraine, avec l’aval, obtenu en mai dernier seulement, des Etats-Unis.

A Moscou, la chancelière devait plaider pour le maintien du transit du gaz russe par l’Ukraine. Sans illusion: acteur énergétique majeur, Gazprom ne veut utiliser ce transit ukrainien qu’au minimum – pas plus que ce que prévoit l’accord avec le groupe ukrainien Naftogaz. Une chose est certaine, relevait un éditorialiste russe non sans humour: une fois retraitée, la chancelière, elle, ne se verra certainement pas offrir un poste dans un grand groupe énergétique russe, comme Gerhard Schröder… Après Washington, en juillet, Moscou et Kiev, Angela Merkel poursuivra sa tournée d’adieux en Israël, à la fin du mois. figaro

Législatives en Russie: le parti du Kremlin revendique la majorité

A l’issue des trois jours d’élections, le parti de Poutine annonce sa victoire et affirme avoir obtenu plus des deux-tiers des sièges de députés.