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Le premier procès des "bébés volés" du franquisme débute en Espagne

Des dizaines d'années après le scandale, le premier procès des "bébés volés" s'est ouvert mardi en Espagne. Des nouveaux-nés été enlevés à leur mère pour être confiés à des familles d'adoption sous le régime de Franco.

26 juin 2018, 17:11
L'audience s'est achevée mardi en début d'après-midi. Le procès reprendra mercredi matin pour un deuxième et dernier jour d'audience.

Le premier procès des "bébés volés" s'est ouvert mardi en Espagne, des décennies après qu'a éclaté ce scandale de nouveaux-nés soustraits à leur mère pour être confiés à des familles d'adoption sous le régime de Franco.

Eduardo Vela, ex-obstétricien de 85 ans à la clinique San Ramon de Madrid, y est accusé par Inès Madrigal, employée des chemins de fer de 49 ans, de l'avoir séparée de sa mère biologique et d'avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969.

 

 

Vela, l'air hagard et la voix affaiblie, a été interrogé une trentaine de minutes. Dénoncé depuis longtemps par la presse et des associations, il est le premier à s'asseoir sur le banc des accusés, grâce au témoignage de la mère adoptive d'Inès Madrigal, Inès Pérez, décédée depuis.

 

 

Grossesse simulée

Cette dernière, qui ne pouvait pas avoir d'enfant, a raconté que le médecin lui avait proposé un bébé avant de lui demander de simuler une grossesse pour la déclarer comme mère biologique du nouveau-né.

Durant l'instruction, Vela avait reconnu en 2013 avoir signé "sans regarder" le dossier médical indiquant qu'il avait assisté à l'accouchement. Mais mardi, il a démenti: "Ce n'est pas ma signature, je ne m'en souviens pas", a-t-il dit.

Inès Madrigal, acclamée par une cinquantaine de personnes brandissant des pancartes réclamant "justice", a souligné que ce procès n'était pas juste le sien. "Il va au-delà", a-t-elle déclaré car désormais "tout le monde sait que des enfants ont été volés dans ce pays".

L'audience s'est achevée mardi en début d'après-midi. Le procès reprendra mercredi matin pour un deuxième et dernier jour d'audience. Aucune date n'a été fixée pour l'annonce du verdict. Le parquet a réclamé onze ans de prison à l'encontre de Vela.

Eglise complice

Dans le cadre de ce trafic, entamé sous la dictature de Franco (1939-1975) souvent avec la complicité de l'Eglise catholique, les enfants étaient retirés à leurs parents après l'accouchement, déclarés morts sans qu'on leur en fournisse la preuve et adoptés par des couples stériles, de préférence proches du régime "national-catholique".

Après la guerre civile (1936-1939), l'objectif était de punir les opposantes accusées de transmettre le "gène rouge" du marxisme, affirme Soledad Luque, présidente de l'association "Tous les enfants volés sont aussi mes enfants".

Puis ce sont les enfants nés hors mariage, ou dans les familles pauvres ou très nombreuses, qui ont été davantage visés à partir des années 1950. Le trafic a perduré sous la démocratie, au moins jusqu'en 1987, pour des motifs "presque purement économiques", poursuit-elle.

C'est le cas de Carmen Lorente, 55 ans, qui s'est vue enlever son bébé en 1979. "Deux jours après la naissance, ils m'ont dit qu'il était mort, qu'il s'était étouffé dans mon ventre. Mais je l'avais entendu pleurer", a-t-elle raconté émue à l'AFP.

Au total, selon les associations, des dizaines de milliers de bébés pourraient être concernés.

"Impunité"

Mais malgré l'ampleur du scandale, dénoncé pour la première fois dans la presse en 1982, aucune des plus de 2000 plaintes déposées selon les associations n'a abouti. "Ce qui unit les trois époques, c'est le mot impunité", affirme Soledad Luque, dont la plainte visant à retrouver son frère jumeau a été classée.

Après tant d'années, la résignation guette les familles. Les protagonistes disparaissent en effet au fil des années, comme la religieuse Maria Gomez Valbuena, souvent dépeinte comme la tête du trafic à Madrid et morte avant d'être jugée.

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