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La ville de Sidi Bouzid s'enflamme

29 oct. 2011, 09:58

Les résultats des premières élections libres de Tunisie ont mis le feu aux poudres à Sidi Bouzid. L'invalidation par la commission électorale (Isie) de la liste de Hechmi Haamdi, un déroutant homme d'affaires arrivé en tête dans la circonscription du «berceau de la révolution», a provoqué de violentes émeutes. La ville du centre du pays a replongé dans le climat insurrectionnel qui avait suivi l'immolation de Mohammed Bouazizi, le vendeur à la sauvette dont le geste a déclenché le soulèvement contre le président Ben Ali. Des groupes de jeunes sont descendus dans la rue jeudi soir pour attaquer des bâtiments publics.

La municipalité, le palais de justice et le siège d'Ennahda, le parti islamiste arrivé en tête du vote pour l'Assemblée constituante, ont été pris pour cibles par quelque 2000 assaillants. Les manifestants ont dressé des barricades de pneus enflammés dans le centre-ville. Les locaux d'Ennahda ont également été attaqués à Regueb, une localité située à une cinquantaine de kilomètres de Sidi Bouzid. «Des édifices ont été entièrement brûlés», précise au téléphone Nsiri Bouderbala, le président de la section régionale de l'Isie. «Ce sont des réactions de mécontentement contre la décision prise à Tunis d'invalider des listes d'Hechmi Haamdi. Ces sanctions ne sont pas politiques, elles sont justifiées par des infractions financières durant la campagne.»

Couvre-feu

Les incidents se sont poursuivis hier, provoquant la mise en place du couvre-feu. Les forces de l'ordre ont notamment repoussé à coups de grenades lacrymogènes un assaut contre le siège du gouvernorat tandis que des hélicoptères survolaient la zone. Depuis Tunis, Rached Ghannouchi, le chef d'Ennahda, a appelé au calme.

«Ce n'est pas seulement les sympathisants de la liste interdite qui protestent. C'est une révolte radicale contre le pouvoir central et ses symboles», assure Lamine Bouazizi, un activiste local, interrogé lui aussi par téléphone, qui évoque une «grève générale. Les gens ont le sentiment d'être les victimes des élites de la capitale qui veulent décider pour eux de leur avenir. Hechmi Haamdi s'adressait - avec tous ses défauts - aux habitants d'ici, ceux qui ont fait la révolution et sont les grands oubliés des élections.»

Hechmi Haamdi aura été jusqu'au bout le trouble-fête du rendez-vous électoral de dimanche. Outsider inattendu, le chef de la Pétition nationale (al-Aridha Chaâbia) est parvenu à doubler sur le terrain du populisme Slim Riahi, un riche négociant en pétrole longtemps proche de Seïf al-Islam Kadhafi et qui était présenté comme l'épouvantail du scrutin. Très populaire à Sidi Bouzid, sa ville d'origine, Hechmi Haamdi a réussi une percée nationale. Ses listes sont arrivées en quatrième position malgré leur invalidation dans six circonscriptions sur 33.

«Hold-up électoral»

Annoncée lors d'une conférence de presse, la mise hors course d'une partie des élus de la Pétition nationale a été saluée, jeudi soir, par les applaudissements des journalistes tunisiens qui ont entonné l'hymne national. Hechmi Haamdi est sanctionné par la commission électorale pour des «irrégularités de financement» et pour avoir mené sa campagne depuis l'étranger.

Cet entrepreneur basé à Londres n'a pas mis les pieds dans son pays durant les semaines qui ont précédé le vote. Son message simpliste est parvenu aux électeurs par le biais de sa chaîne satellitaire al-Mostakilla, très suivie en Tunisie. Hechmi Haamdi avait promis la gratuité totale des soins médicaux contre des travaux d'intérêt général et une allocation de 100 euros par mois pour les chômeurs. Il envisageait d'injecter un milliard d'euros de ses deniers personnels dans le budget de l'Etat et de construire un pont entre la Tunisie et la Sicile. La classe politique l'a accusé de «hold-up électoral» et des militants des droits de l'homme de représenter en sous-main les intérêts de séides de l'ancien régime.

Théâtral, Hechmi Haamdi a annoncé le retrait de l'ensemble de ses listes. «Qu'ils nous accusent d'appartenance au RCD (réd: l'ex-parti de Ben Ali), soit! Nous leur laissons le terrain avec nos voix à départager comme bon leur semblera», a-t-il lancé.

L'homme d'affaires était apparu sur la scène de l'opposition tunisienne au début des années 2000 en ouvrant ses plateaux télévisés aux dissidents du régime Ben Ali. «Al-Mostakilla allumait la passion dans les foyers tunisiens qui suivaient cette première musique de la liberté», note le site Alternatives citoyennes, qui relève que Hechmi Haamdi était ensuite «entré en contact avec l'ex-président et avait fait de la télévision people en montrant l'épouse de Ben Ali en maman exemplaire et presque bigote». A part ses téléspectateurs devenus électeurs, nul ne l'avait pris au sérieux.

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