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La Syrie sombre dans la violence

08 juin 2011, 11:21

Que s'est-il vraiment passé à Jisr al-Choughour? Alors qu'hier, des troupes du régime syrien étaient dépêchées en renfort vers cette localité du nord-ouest où 120 membres des forces de sécurité ont été tués lundi dans des conditions obscures, le ministre de l'Information a évoqué le «devoir national de rétablissement de la sécurité».

La veille au soir, la télévision d'Etat, acquise au pouvoir, avait pointé du doigt des «bandes armées», les accusant d'avoir tendu une embuscade aux policiers. Toujours selon la chaîne nationale, qui s'est gardée de diffuser des images de la ville endeuillée, «les agresseurs ont mutilé certains des corps et les ont jetés dans une rivière».

Mutinerie interne aux forces de l'ordre

«Mensonge!», s'emporte un dissident syrien, contacté par courriel à Damas, qui conteste cette version officielle. Pour lui, comme pour de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme, le doute n'est pas permis. Il s'agit d'une mutinerie interne aux forces de l'ordre syriennes, symbole d'une «fissure croissante» au sein de l'appareil répressif. D'après ses informations, également invérifiables à cause des restrictions imposées à la presse, des policiers et des soldats appartenant à la majorité sunnite auraient refusé de tirer sur les manifestants, s'opposant ainsi aux ordres de leur hiérarchie, qui est composée principalement de musulmans alaouites - branche de l'islam chiite dont est issu le président, Bachar el-Assad. Leur insurrection aurait alors été écrasée dans le sang.

Risque de chaos généralisé

Un habitant joint au téléphone raconte: «Des agents du renseignement militaire et de la police ont pris la ville d'assaut lundi. Des snipers ont commencé à tirer sur ceux qui osaient s'aventurer dans les rues. Il y a des corps dans les rues. Une centaine de policiers et de soldats ont fait défection et se sont tenus à nos côtés.» C'est alors, d'après le défenseur des droits de l'homme Wissam Tarif, que des combats auraient opposé les forces loyalistes aux militaires ayant rejoint le camp des opposants au régime de Damas. «Une unité ou une division de l'armée est arrivée dans le secteur dans la matinée (réd: de lundi). Il semble qu'une autre soit arrivée (réd: dans l'après-midi) pour mater cette défection», précise-t-il, sur la base de témoignages d'habitants de Jisr al-Choughour.

Détail important: cette ville, située sur la route reliant la cité portuaire de Lattaquié, sur la côte méditerranéenne, à Alep, la deuxième ville de Syrie, se trouve à quelques kilomètres seulement de la frontière turque. «Une raison de plus, pour le pouvoir, d'y faire taire toute tentative d'insurrection afin d'éviter la création d'un front antirégime qui pourrait se constituer une base arrière en Turquie», remarque le dissident de Damas.

En l'absence de médias internationaux - interdits de séjour en Syrie -, ces différentes versions restent difficilement vérifiables. Le sanglant épisode de Jisr al-Choughour illustre néanmoins le risque d'un chaos généralisé dans ce pays où la spirale infernale des accrochages entre forces pro gouvernementales et opposants a déjà causé la mort de plus de 1000 civils en 12 semaines.

Il renforce également la thèse selon laquelle la violence de la répression serait en train de créer un fossé au sein de l'armée. Hier, la chaîne satellitaire en langue arabe al-Jezira a diffusé une interview - non datée - d'un homme en uniforme kaki se présentant comme un ex-lieutenant syrien, dans laquelle il appelle ouvertement ses camarades à suivre son exemple. «J'ai rejoint l'armée dans le but de protéger le peuple (…) contre l'ennemi israélien», dit Abdoulrazzak Mohamed Tlas. Avant d'ajouter: «Après les crimes dont nous avons été témoins à Deraa et dans toute la Syrie, je ne peux rester dans l'armée syrienne.»

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