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«La seule solution, c'est la lutte armée»

17 sept. 2011, 11:39

Il a troqué son uniforme militaire contre une longue tunique blanche. Dans sa maison-refuge de Wadi Khaled, au bord de la rivière Nahr el-Kebir qui sépare, au nord, le Liban de la Syrie, Hassan Abdul Karim al-Hamad peut enfin parler à visage découvert. Loin des «ennuis», mais toujours proche de «l'action».

Ce jour-là, l'ex-premier lieutenant syrien, exilé depuis deux mois au pays du Cèdre, est en pleine discussion avec d'autres soldats déserteurs. Assis en tailleur autour d'un café turc, ils parlent de «missions nocturnes» de l'autre côté de la frontière. «Je repars toutes les nuits à Homs pour protéger les manifestants et encourager d'autres militaires à lâcher le régime», confie le lieutenant repenti, porte-parole de «l'Armée syrienne libre».

Vidéos sur internet

Faut-il y voir l'ébauche d'une rébellion armée contre Bachar el-Assad, après six mois de révolte pacifique? Les rumeurs vont bon train sur des cargaisons d'armes qui traverseraient la frontière libanaise en direction de la Syrie. Des témoins évoquent également des combats opposant les forces loyalistes à des militaires insoumis, notamment dans les villes de Homs, Idlib et Deir ez-Zor. Pour des raisons sécuritaires, Hassan Abdul Karim al-Hamad est peu disert à ce sujet, préférant mettre l'accent sur les appels à la défection que son organisation ne cesse de faire circuler. «Une de nos tactiques consiste en l'enregistrement de vidéos de repentis, postées sur internet et diffusées sur les chaînes satellitaires comme al-Jezira», explique l'homme à la barbe poivre et sel, qui officia pendant 29 ans au sein des puissants services de renseignement syriens.

Lui-même s'est prêté à l'exercice dès son arrivée, en plein été, au Liban. Face caméra, on le voit présenter sa carte d'identité militaire, avant d'égrener ses griefs contre Damas. «Quand je suis entré dans l'armée, mon objectif était d'assurer la sécurité de mon pays, (...) mais la révolution a prouvé que le régime nous avait trompés avec ses slogans», s'emporte-t-il, avant d'accuser ouvertement le pouvoir alaouite de «se faire épauler» par le Hezbollah libanais et les miliciens bassidjis d'Iran pour «tuer son propre peuple».

«Des étrangers pour les basses œuvres»

Cette ingérence iranienne, condamnée par la communauté internationale, est difficile à vérifier à cause des restrictions imposées à la presse en Syrie. Mais les descriptions d'Hassan Abdul Karim al-Hamad recoupent d'autres témoignages. «Quelques semaines après le début de la révolte, j'ai eu pour mission de diriger, à Homs, 27 membres du Hezbollah et 23 Iraniens, connus pour être d'excellents tireurs d'élite, ne parlaient pas l'arabe. Par l'intermédiaire d'un traducteur, je devais leur indiquer les positions à partir desquelles ils devaient viser les protestataires. Au début, ils portaient des uniformes noirs. Puis on leur a donné des tenues militaires, pour qu'ils soient méconnaissables», raconte le lieutenant séditieux, dégoûté par ce «recours aux étrangers pour exécuter les basses œuvres».

«Machine à tuer»

Mais c'est contre la «machine à tuer» syrienne dans son intégralité qu'il s'est rebellé en désertant l'armée. «Le déclic, je l'ai eu avec le massacre de la place Se'a Jadida - la place centrale de Homs - à la mi-avril. Les autorités voulaient nous faire croire que les protestataires étaient des "terroristes extrémistes" qu'il fallait éliminer. En fait, ces gens-là étaient des civils. Durant cette opération meurtrière, 300 personnes ont été tuées, dont une vingtaine de soldats qui refusèrent de tirer sur la foule. Trop, c'était trop!», dit-il. Commence alors une «course contre la mort», de Homs jusqu'aux montagnes du Liban-Nord, où il finit par se réfugier.

Depuis l'annonce de sa défection, en juillet, Abdul Karim al-Hamad dit avoir convaincu 55 militaires de le rejoindre ici. D'autres ont pris le chemin de la Turquie et de la Jordanie. Selon lui, «des milliers de membres de l'armée, essentiellement des sunnites, ont abandonné l'uniforme militaire». Le phénomène reste difficilement mesurable, la plupart des déserteurs craignant de se déclarer à cause des représailles, comme le récent enlèvement sur le territoire turc du colonel Hossein Harmouch, un des premiers à s'être dissocié de l'armée. Jeudi soir, ce déserteur - encore endeuillé par l'assassinat de son frère, quelques jours plus tôt - est soudainement réapparu à la télévision syrienne pour se livrer à des «aveux forcés».

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