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La course folle des révolutionnaires libyens sur la route de Syrte

L'armée de la révolution s'est rapprochée de Syrte, la ville natale du Guide, où elle est attendue par les membres de la tribu de Kadhafi.

29 mars 2011, 10:16

La manifestation armée et automobile qui sert de force militaire aux révolutionnaires libyens s'est lancée de nouveau sur la route de l'Ouest. Seul champ de bataille et fil conducteur de l'étrange guerre du désert que se livrent Kadhafi et les insurgés, le ruban de bitume qui file dans le désert au fond du golfe de Syrte, entre lignes à hautes tensions, raffineries et dromadaires, était de nouveau parcouru par le joyeux cortège de la révolution.

Jeep aux pare-brise baissés, conducteurs en lunettes de sable et cagoule, minibus chargés de combattants, camions-bennes plein de militants hurlants, voitures particulières couvertes d'autocollants patriotiques, l'armée révolutionnaire roule à présent vers Syrte. Depuis la reprise d'Ajdabiya samedi matin, les révolutionnaires talonnent l'armée de Kadhafi, qui se replie précipitamment devant eux, défaite par les raids aériens occidentaux.

Brega, Uqala, Ras Lanouf, Ben Jawad, passées depuis le début de la révolution à plusieurs reprises aux mains des rebelles puis des loyalistes, sont de nouveau contrôlées par la révolution. À chaque fois, les miliciens établissent des points de contrôle, et saluent les véhicules qui passent en klaxonnant follement. Ces étapes de la longue route du désert ont été reprises sans coup férir. Simples bourgades le long de l'autoroute qui longe la côte du golfe de Syrte, elles n'offraient aucune possibilité aux forces de Kadhafi de livrer des combats retardateurs. D'autant que les avions de la coalition restent les maîtres du ciel et sont capables de frapper n'importe quelle cible dans ce paysage plat comme un tapis.

Depuis samedi, le front, ou ce qui en tient lieu dans cette étrange guerre sans beaucoup de combats, qui se livre le long d'une route unique, s'est déplacé de près de 300 kilomètres vers l'ouest. L'avance des milices révolutionnaires a été ralentie, puis stoppée hier matin par des tirs d'artillerie un peu au nord du village de Nofilia, à environ une centaine de kilomètres de Syrte, la ville d'origine de Kadhafi. Les révolutionnaires se sont déployés selon leur formation de prédilection, l'embouteillage, en attendant que le front soit ouvert par les bombes de l'Otan ou par le repli de leurs adversaires.

Les renforts sont encore loin derrière. Le recul des forces de Kadhafi a eu pour résultat de raccourcir considérablement leurs lignes de ravitaillement, pour allonger d'autant celles de la rébellion.

La guerre du désert est une affaire de logistique. Les distances énormes en plein désert imposent une organisation dont les rebelles sont dépourvus. Les plus prévoyants entassent à l'arrière de leurs pick-up couvertures synthétiques et packs d'eau minérale, caisses de munitions et jerricanes d'essence. L'essence, presque aussi vitale que l'eau, est devenue la denrée rare sur le front mouvant de la révolution libyenne.

Les grosses raffineries de Ras Lanouf et de Brega sont un paysage ironique pour une panne de carburant. Les stations-service qui s'échelonnent le long de la route ont leurs cuves pleines, mais les pompes sont privées d'électricité. Alors on improvise. Les regards des cuves sont ouverts, et les miliciens, mais aussi l'armée de curieux ou de joyeux supporteurs qui l'accompagne, s'agglutinent autour des orifices. Et avec des bouteilles d'eau minérale découpées en récipients et fixées au bout de longues perches, vont puiser le liquide vert et odorant avant de le verser dans les réservoirs.

Et l'on reprend la route. L'atmosphère est de nouveau à la fête, on klaxonne et on s'accroche aux fenêtres des voitures comme si la guerre était une sortie de match de foot. Après le village de Nofilia, la liesse se calme un peu alors que résonnent les coups de canons. Les forces de Kadhafi ont cessé de reculer, et commencent à livrer un combat retardateur. Le prochain objectif est Syrte. Mais la ville, à la différence des autres villes, comme Misrata, un peu plus au nord sur la côte, ne s'est pas soulevée.

«Une bonne moitié de la ville est apparentée à la tribu de Kadhafi», explique Kamal, un combattant un peu plus expérimenté que les autres, en bleu de travail et chapeau de brousse. Soit environ 70 000 personnes, qui, selon le système complexe d'allégeances et d'alliances tribales sous-jacent à toute la politique libyenne, n'ont aucun intérêt à rallier les révolutionnaires, du moins pas tant que Kadhafi tient toujours. «Ça sera plus compliqué qu'ailleurs, ces gens risquent de se battre», ajoute-t-il. Située en plein sur la route de Tripoli, Syrte ne peut pas être contournée. Aussi longtemps que Kadhafi et ses fidèles tiennent la ville, la progression des révolutionnaires vers l'ouest et vers la capitale est rendue impossible. /AJA-Le Figaro

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