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L'Islande reste d'une fragilité de glace

31 oct. 2011, 11:22

«L'euro est un roc contre la crise.» La déclaration de Gylfi Arnbjornsson, président du plus grand syndicat islandais, lâchée en pleine tourmente de la zone euro, détonne. «Tandis qu'une petite devise nationale flottante accroît la flexibilité et pèse sur les salariés», insiste-t-il. Bryndis, elle, ne croit pas plus à l'Union européenne (UE) qu'à la zone euro. «Cela ne fonctionne plus. La couronne, au contraire, nous a permis de sortir plus rapidement de la crise», estime la jeune femme, employée dans une librairie et attachée à la souveraineté de son pays. Deux opinions tranchées qui illustrent le fossé entre les pro et anti-Europe.

L'Islande a entamé depuis l'été dernier des négociations officielles pour rentrer dans l'Union européenne. A l'issue, les Islandais se prononceront par référendum. L'enjeu, pour la petite île du grand Nord qui se relève tout juste de trois ans de sévère récession, est aussi d'adhérer à la monnaie unique.

Le débat à Reykjavik est loin d'être tranché, y compris dans la coalition gouvernementale de centre gauche, à l'instar du ministre de l'Economie social-démocrate partisan de l'euro et de son homologue des Finances qui défend les vertus de la couronne.

Entre intégration de fait et euroscepticisme

«La dévaluation de plus de 40% a dopé la compétitivité de nos exportations. Le gain au final dépasse largement le coût. Le chômage aurait été bien pire», affirme le ministre vert Steingrimur Sigfusson.

L'économie repose sur deux secteurs clés: l'aluminium et la pêche qui totalisent 80% des exportations. Sur cette terre balayée par les eaux et les vents à la nature si imposante, les lobbys agricoles et de la pêche font entendre leurs voix. Ils refusent les décisions de Bruxelles et ses quotas. Pourtant, de fait, l'Islande est très intégrée à l'UE.

L'affaire «Icesave», qui empoisonne depuis trois ans les relations avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, a aussi entretenu l'euroscepticisme. L'Etat a dépensé 15% du PIB pour sauver ses banques nationales, mais a refusé d'indemniser les clients étrangers de la banque Icesave, mise en faillite.

Une décision prochaine de la Cour de justice européenne pourrait contraindre Reykjavik à régler l'ardoise de 8 milliards d'euros. «La banque Landsbanki a les moyens de rembourser par la vente de ses actifs revalorisés depuis la crise», précise le ministre.

Trois ans de reprise en main du Fonds monétaire internatrional (FMI), d'économies drastiques, de restructuration radicale des banques ont remis le pays sur les rails de la croissance, aidée par une couronne fortement dévaluée. Sur le terrain, si le maintien d'un Etat providence et la force des liens sociaux ont permis d'atténuer le choc, la crise est loin d'être terminée.

A l'image de Hildigunnur Sverrisdottir, 35 ans, architecte, mariée et mère de trois enfants. «Nous vivons un vrai cauchemar, chaque mois, nos dettes s'accumulent, nous n'avons aucune visibilité et perspective», confesse-t-elle.

Cette famille synthétise à elle seule tous les symptômes de la crise islandaise: Hidlig a perdu son emploi après l'explosion de la bulle immobilière, le couple a acheté une maison au prix fort. Ils ont choisi un prêt en devise étrangère - yen, franc suisse et euro - plus attractif car réputé stable et offrant des taux d'intérêt moins élevés. Ceci sans compter la spécificité locale d'indexer les hypothèques sur l'inflation, qui a atteint à son plus haut, 18%. Résultat, nombre d'Islandais ont vu la valeur de leurs prêts s'envoler. «Dans ma génération, chacun a perdu en moyenne 10 millions de couronnes», raconte Hubert Koziet, qui a subi une baisse de salaire et une augmentation d'un tiers de son crédit.

Incapables de rembourser leur crédit, Hidlig et son mari se sont vu proposer un programme du gouvernement, réservé à 13 500 propriétaires, qui consiste à plafonner les crédits à 110% de la valeur du logement et les convertir en couronnes. «Nous ne savons que faire, nous négocions toujours avec notre banque, nous n'excluons pas de quitter le pays. Plusieurs de nos amis, architecte, ingénieur, expert comptable… sont partis au Danemark et aux Etats-Unis.»

Contrer la fuite des cerveaux et attirer de nouveaux investissements, tels sont les défis de demain pour assurer une croissance durable en Islande. Car l'économie reste encore paralysée par le contrôle des capitaux et l'instabilité politique. Ironie du sort: aujourd'hui, ce n'est pas l'argent qui fait défaut à la petite île - les banques regorgent des capitaux que les Islandais et les entreprises n'ont pu exfiltrer à l'étranger -, mais elle pâtit d'un déficit de confiance dans l'avenir comme dans les élites politiques.

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