«Deux personnes m’ont saisi les jambes, une troisième m’a excisée avec un petit couteau.» A l’évocation de ses souvenirs, la voix d’Aby Sylla, aujourd’hui mère de cinq enfants, trahit une pointe d’émotion, de la tristesse, mais aussi de la colère: «Tu as beau pleurer, tu es excisée.» Elle a été excisée avant l’interdiction de 1998, elle avait à peine six ans. Les larmes ont coulé. Le sang aussi, et en abondance, malgré la mystérieuse poudre noire, aux vertus supposément hémostatiques, que la matrone applique sur son clitoris sectionné.
L’histoire d’Aby Sylla n’a rien d’exceptionnel, en Côte d’Ivoire, et est même la norme dans sa ville d’Odienné. Là-bas, aux frontières avec le Mali et la Guinée, trois filles sur quatre sont excisées. L’interdiction promulguée par Abidjan, le 23 décembre 1998, n’a pas eu l’effet escompté, la faute, sans doute, à un certain laxisme des autorités, aux troubles provoqués par la...