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L'étrange déni de réalité du président Bachar al Assad

Dans son discours à la nation, Bachar al Assad évoque une «conspiration» et n'annonce pas la moindre réforme concrète.

31 mars 2011, 12:25

Il y a maintenant comme un rituel dans la manière dont le régime syrien réagit à ses crises les plus graves. La dernière remonte au mois de février 2005, après l'assassinat à Beyrouth de l'ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri. Le Liban avait été le théâtre de gigantesques manifestations antisyriennes unissant les chrétiens, les Druzes et les sunnites.

Confrontée à cette protestation populaire et à la réprobation internationale, la Syrie avait été obligée de retirer son armée du pays du Cèdre, qu'elle occupait depuis 1976. Pour annoncer cette décision un peu humiliante, le président, Bachar al Assad, s'était rendu au Parlement de Damas où, follement applaudi par les députés, il avait prononcé un long discours télévisé.

Ce scénario bien rodé a été reproduit hier. En début d'après-midi, la télévision d'État de Damas diffusa en direct les images du raïs sortant de sa voiture devant le Parlement, saluant sans cérémonie les centaines de militants du Baas regroupés à l'entrée, puis recevant dans l'hémicycle l'ovation des parlementaires, un sourire modeste aux lèvres.

Ophtalmologue formé en Occident, homme aux mœurs simples, Bachar n'a jamais cultivé l'emphase héroïque d'un Nasser ou d'un Fidel Castro. Pas d'envolée lyrique dans ses discours, toujours prononcés sur le ton presque bonhomme d'une conversation. Hier, en s'adressant à son Parlement et à son peuple, Bachar, dont les traits ne portaient pas la moindre trace de fatigue, s'exprimait comme un père cherchant à expliquer à sa famille ce qui lui était arrivé au cours des deux dernières semaines.

Son aisance pouvait s'expliquer par le succès des marches organisées en sa faveur mardi. Des centaines de milliers de Syriens sont sortis dans la rue à Damas et à Alep, arborant des portraits de Bachar, dans une ambiance festive. «Comme partout dans le monde arabe, la population syrienne aspire à des changements et est lasse de la dictature du Baas», explique, à Beyrouth, Roger Eddé, président du Parti de la paix libanaise. Mais une part importante de la population, qui craint le chaos, parie sur Bachar pour réaliser les réformes.»

La surprise vint du fond, non de la forme. Dans son discours, le président expliqua que la Syrie était la victime d'une «conspiration» internationale savamment orchestrée. Hormis la référence obligée à l'adversaire israélien, les maîtres de ce grand complot visant à fracturer l'unité du pays ne furent pas nommés. En revanche, le président ne lésina pas sur les moyens employés par les ennemis de la Syrie pour la déstabiliser. En cause: les télévisions satellitaires, les SMS sur les téléphones portables, les réseaux sociaux sur internet.

C'est à travers ces nouvelles technologies qu'une «minorité» de la jeunesse de Deraa fut «incitée» à semer le chaos et la fitna (dissension confessionnelle). Mais la Syrie, «qui n'est pas une copie conforme des autres États du monde arabe», a su ne pas tomber dans le piège, comme elle avait su «déjouer les plans ourdis contre elle» par les néoconservateurs américains après leur invasion de l'Irak en 2003.

Magnanime, Bachar a même reconnu que, parmi les manifestants de Deraa, il y avait eu des protestataires sincères, sans affiliation avec la conspiration internationale. Le raïs n'a bien sûr fait aucune allusion aux slogans hurlés par les manifestants de Deraa après qu'ils eurent subi leurs premiers morts: «Dehors le Hezbollah et les Iraniens! Syrie libre!»

Curieusement, dans son discours, le président a précisé qu'il n'avait jamais donné d'ordre à sa police de tirer sur les manifestants. Il est vrai que, dans la famille Assad, ce n'est pas Bachar qui est chargé de la sécurité du territoire, mais son jeune frère, Maher, et son beau-frère, Assef Chawkat...

«Si le peuple réclame des réformes, il est de notre devoir de les faire», a aussi proclamé le président. Mais il n'a rien annoncé de concret, se bornant à promettre que son gouvernement lutterait davantage contre la corruption et le chômage des jeunes. L'état d'urgence, en vigueur dans le pays depuis 1963, n'est toujours pas levé.

À la fin de ce discours riche en contradictions, on ne pouvait pas s'empêcher de se demander quel était le réel pilote de l'avion Syrie et quel plan de vol il avait dessiné pour traverser avec succès les turbulences actuelles du monde arabe… /RGI-Le Figaro

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