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Indonésie: Bornéo malade de la fièvre du charbon

Bornéo, quatrième île au monde par sa superficie, voit sa forêt vierge rétrécir comme peau de chagrin. En cause, l'extraction extensif du charbon. La multiplication des mines a de plus contaminé la zone, menaçant l'agriculture.

18 déc. 2013, 10:48
borneo

L'épaisse jungle qui résonnait des chants d'oiseaux exotiques a fait place à une colline pelée, où l'on n'entend plus que le bruit des pelleteuses à charbon: à Bornéo, la fièvre du nouvel or noir dévore forêts et villages.

Vue d'avion, la longue ligne de barges débordant de charbon forme comme un serpent noir sur le fleuve Mahakam: 200 millions de tonnes du minerai sont expédiées chaque année depuis le Kalimantan-Oriental, souvent vers les économies en forte croissance de Chine et d'Inde.

Située dans la partie indonésienne de Bornéo, quatrième plus grande île du monde, la province est à l'Indonésie ce que le Far-West était à la ruée vers l'or.

Moratoire sans effet

Sa capitale, Samarinda, est dorénavant occupée à plus de 70% par des mines, selon des données officielles. La ruée des grands groupes internationaux a poussé des villages entiers à quitter l'endroit, et provoqué une accélération impressionnante de la déforestation.

Selon le WWF, Bornéo a perdu plus de la moitié de la jungle qui la couvrait encore à plus de 90% il y a quelques décennies seulement, et ce en dépit d'un moratoire sur les défrichements lancé en 2011 par le gouvernement indonésien, largement considéré comme un échec.

Pourtant cette forêt tropicale est une réserve de biodiversité avec quelque 1400 espèces animales et 15'000 espèces végétales, qui absorbe le gaz carbonique de la planète, permettant de ralentir le réchauffement climatique.

Ironie du sort, Samarinda est régulièrement plongée dans le noir, les coupures de courant se multipliant en raison d'un réseau électrique vétuste, tandis que son sol permet de faire tourner nombre de centrales chinoises.

Animaux disparus, eau contaminée

Né à Samarinda il y a trente ans, Udin, chauffeur, se souvient encore d'un temps où la ville était entourée de forêts primaires à perte de vue. "Quand j'étais enfant, ma maison se trouvait en pleine jungle. Il y avait des orangs-outans et des oiseaux de toutes les couleurs", raconte-t-il. "Maintenant, tout est désolé".

La multiplication des mines a de plus contaminé la zone, menaçant l'agriculture. "Le riz pousse dans l'eau contaminée", explique Komari, qui vit dans la région depuis 1985. "Nous le mangeons toujours mais je pense que c'est vraiment mauvais pour notre santé", ajoute le paysan de 70 ans, les pieds dans la gadoue brune qui entoure le taudis d'une pièce qui lui sert de maison, à lui et à sa femme.

Administration corrompue

Avec 18 autres agriculteurs, Komari a déposé plainte contre les autorités, les accusant d'être responsables de la contamination en autorisant l'exploitation des mines si proches des rizières. Ils ne demandent pas d'indemnités mais veulent que les autorités contraignent la mine à décontaminer l'eau.

Cela semble difficile, tant les sociétés minières jouissent de solides appuis au sein du pouvoir local, voire même d'un blanc-seing que leur a conféré une administration corrompue.

Pots-de-vin au ministre

"On les appelle la mafia de la mine", ironise Merah Johansyah, représentant à Samarinda de Jatam, une ONG représentant les communautés affectées par l'exploitation minière en Indonésie.

L'ONG, ainsi que l'association "Indonesian Corruption Watch", ont récemment dénoncé une affaire de corruption touchant le groupe indonésien Graha Benua Etam.

Selon les organisations, la société aurait en 2009 versé des pots-de-vin d'au moins 4 milliards de roupies indonésiennes (près de 293'000 francs) au ministre régional de l'Energie, en échange d'un permis d'exploitation. Le groupe Graha Benua Etam n'était pas disponible pour commenter.

Puits non rebouchés

La corruption permet également aux sociétés minières de creuser là où elles ne sont pas autorisées à le faire ou d'échapper à leurs obligations environnementales ou sociales, explique M. Johansyah.

Des exploitations n'ont ainsi pas respecté l'obligation qui leur est faite de reboucher les puits après la fin de leur utilisation. En 2011 et 2012, plus de dix personnes, dont sept enfants, sont ainsi mortes en tombant dans des puits.

La ruée vers le charbon et la propagation des mines ne semblent pas prêtes de s'arrêter. Un récent rapport de l'ONG "The World Development Movement" met en garde contre des projets d'exploitation dans la province de Kalimantan-Centre, là où subsistent encore des forêts presque intactes.

Des compagnies comme le géant minier anglo-australien BHP Billiton ont des projets pour y exploiter le charbon. Le groupe a assuré que tout développement "ferait l'objet d'une étude d'impact social et environnemental".

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