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Coronavirus: face aux infox, les scientifiques s’adaptent pour contre-attaquer

Le coronavirus est également synonyme de désinformation. Depuis quelques semaines, de nombreux médecins, universitaires et institutions ont amplifié et adapté leur communication scientifique afin de contrecarrer erreurs, fausses affirmations et théories du complot.

27 mai 2020, 08:23
Mathieu Rebeaud de l'Université de Lausanne fait partie des scientifiques qui luttent contre les infox.

Avec ses photos de chats et son ironie parfois cinglante, Mathieu Rebeaud, chercheur en biochimie, a quasiment triplé ses abonnés sur Twitter depuis le début de la pandémie de Covid-19. Son but: aider à «faire le tri» face à la surabondance d’infos et surtout… d’infox.

Expliquer, vulgariser, décortiquer pour contrecarrer erreurs, fausses affirmations, théories du complot…Depuis quelques semaines, de nombreux médecins, universitaires et institutions ont amplifié et adapté leur communication scientifique, misant plus sur la pédagogie que l’argument d’autorité, pour davantage d’efficacité.

Omniprésence des réseaux sociaux

Avec l’omniprésence des réseaux sociaux, il faut aller vite, taper large et utiliser Twitter, Facebook ou YouTube pour faire passer les messages simples de prévention ou poser les bases de la virologie et de la démarche scientifique, estiment aussi les experts interrogés par l’AFP.

Pour la pandémie, «les théories du complot fournissent des explications complètes, simples, d’apparence rationnelles et solides» qui apparaissent en «opposition absolue avec la connaissance scientifique disponible: complexe, fragmentée, changeante et pleine de controverses», résume la chercheuse Kinga Polynczuk-Alenius, de l’Université d’Helsinki.

Pas le choix

«Dans cette période d’incertitude, il est particulièrement nécessaire de diffuser rapidement une information fiable », avait averti dès février la revue médicale britannique The Lancet.

Dans cette période d’incertitude, il est particulièrement nécessaire de diffuser rapidement une information fiable.
The Lancet, revue médicale britannique

Mais comment faire pour concilier le temps -long- des publications scientifiques rigoureuses et celui du grand public, habitué à l’instantanéité des réseaux sociaux et exigeant souvent des réponses fermes et définitives?

Si l’usage des réseaux sociaux et d’internet par la communauté scientifique n’est pas né avec la pandémie, cette dernière l’a amplifié, intensifié, accéléré et rendu plus visible.

Twitter, «c’était déjà quelque chose que j’utilisais mais c’est vrai que j’étais beaucoup moins présent avant le Covid-19», explique Mathieu Rebeaud, de l’Université de Lausanne. Pour ses près de 14’000 abonnés Twitter, il n’hésite pas à décortiquer des études scientifiques grâce aux «fils» ou «threads» qui permettent d’enchaîner les messages.

 

 

Pages spéciales

Et de fait, beaucoup, comme lui, se sont lancés dans l’arène. Parmi ces médecins ou chercheurs qui expliquent, vulgarisent ou débattent (parfois avec virulence) autour du Covid-19, les Français «Apothicaire amoureux» ou Jérémy Descoux ou la microbiologiste néerlandaise Elisabeth Bik.

Le 22 mai, quelques heures après la sortie d’une vaste étude sur les effets de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine, elle en twittait le résumé en une phrase: «moins de survie et plus d’arythmies ventriculaires».

 

 

Pour cette crise, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a noué un accord avec Facebook afin de diffuser directement des messages sur WhatsApp ou Messenger. Dans la presse, scientifiques et médecins sont quotidiennement interrogés pour démonter des idées reçues sur le virus.

Sur les infox, «on n’avait pas de dispositif spécifique, mais on a mis en place une page (du site) spéciale très rapidement car (…) on s’est rendu compte qu’il y avait plein de 'fake news' sur le sujet», explique Jean-François Chambon à l’Institut Pasteur, qui engrange actuellement 16’000 nouveaux abonnés chaque mois -tous réseaux sociaux confondus- , contre 4000 en temps normal.

Education

Mais le changement n’est pas que quantitatif, explique Mikaël Chambru, spécialiste de la communication scientifique à l’Université de Grenoble-Alpes (sud-est de la France).

Il note également que les scientifiques qui s’impliquent dans le débat «cherchent à partager l’actualité des savoirs dans le but de forger la culture scientifique du public en expliquant la démarche (scientifique) et en donnant des clés de lecture, plutôt que d’user de l’argument d’autorité». «La posture d’autorité serait extrêmement mal vécue par la population», abonde Jean-Gabriel Ganascia.

Démonter une «connerie» ça prend 10 fois plus d’énergie que de la diffuser.
Mathieu Rebeaud, Université de Lausanne

D’où les efforts répétés de beaucoup pour rappeler à longueur de tweets les règles qui font qu’une étude est plus ou moins solide selon qu’elle respecte un peu, beaucoup ou pas du tout les principes de la démarche scientifique.

Mais la lutte semble souvent déséquilibrée. «Démonter une 'connerie', ça prend 10 fois plus d’énergie» que de la diffuser, résume Mathieu Rebeaud, rejoignant le constat d’une étude de la revue «Science» qui notait en 2018 que «les mensonges se diffusent plus vite que la vérité».

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