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Cinquante ans d'une saine colère

28 mai 2011, 11:17

«Droits humains»: la formule magique fait vibrer un Daniel Bolomey aussi combatif qu'un jeune homme qui vient de se découvrir l'astreignante vocation de défendre autrui. Mais ne vous y trompez pas: en matière d'indignation, ce Vaudois est un vétéran. Vingt-quatre ans déjà qu'il donne de son temps et de son énergie pour Amnesty International, d'abord comme organisateur de campagnes puis comme secrétaire pour la Suisse - il a d'ailleurs été le premier Romand à occuper ce poste.

Si la flamme des droits humains brûle depuis si longtemps en lui, c'est qu'elle prend source dans une époque chaotique, rebelle, où l'engagement est une évidence: les années 1970. Ce qui le scandalise alors? Entre autres, «la guerre du Vietnam, le fascisme, l'autoritarisme»...

Evolution des enjeux

Et si la rébellion de l'activiste a dû embarrasser son père, policier de métier, elle s'est concrétisée quelques années plus tard sous la forme d'une offre d'emploi. «Nous étions en 1987. J'enseignais depuis quelques années lorsque j'ai vu qu'Amnesty cherchait quelqu'un.» Ni une ni deux, le voilà qui postule sans savoir que la signature qu'il appose au bas du contrat le mobilisera pendant des années.

«La dimension internationale de l'organisation me plaisait», dit-il. La flexibilité, aussi: au fil des ans, Amnesty s'adapte à tout, du contexte de la Guerre Froide à celui de la mondialisation de ce siècle qui commence. Les enjeux aussi évoluent et peu à peu, la célèbre organisation défend aussi bien «les prisonniers politiques» que «la lutte contre la mortalité maternelle au Burkina Faso».

Résultat, des compétences toujours plus diversifiées et des militants désormais si nombreux que plus personne, ni victime, ni bourreau, ne peut ignorer qu'Amnesty existe. «Je suis très heureux de l'évolution de cette organisation qui a su élargir les enjeux et les réalités que recouvre l'expression «droits humains», souligne Daniel Bolomey. Son envie de mettre le doigt «là où ça fait mal» ne passe pas et il ne manque pas d'épingler, au passage, cette Suisse si ardente à défendre les droits fondamentaux à l'étranger alors qu'il y a «tant de lacunes dans la politique intérieure».

Sévère, le militant qui travaille désormais dans des projets globaux d'Amnesty et conseille le secrétaire général de l'organisation estime que les droits humains, ici, ne sont en réalité «qu'un produit d'exportation. Imaginez qu'il a fallu dix ans pour que la Suisse se dote d'un centre de compétences en matière de droits humains! Et au nom de la démocratie, censée être la valeur suprême, certains politiciens traitent les droits fondamentaux par-dessus la jambe», déplore-t-il. Et pourtant, la douce Helvétie n'est pas une élève modèle. «Investiguer sur les violences policières a été un véritable parcours du combattant», note-t-il entre autres.

Une union qui fait la force

Le plus dur, dans son métier? «Subir la réalité de plein fouet», comme au Rwanda en 1995, une année à peine après le génocide. «C'était indicible», lâche-t-il, ému, soulignant que travailler pour tous ceux dont la vie et la dignité sont bafouées est à la fois un «privilège» et une tâche «difficile». Si difficile qu'il la compare au fait de «pousser en haut d'une montagne un rocher qui roule vers le bas», comme Sisyphe dans la mythologie grecque. Il n'est heureusement pas seul derrière ce lourd rocher. «Il y a tous les militants d'Amnesty, et mes rencontres avec eux, ici ou à l'étranger, sont les meilleurs souvenirs de ma carrière», affirme Daniel Bolomey. Une union qui fait la force et des miracles - «imaginer poursuivre un chef d'Etat encore en fonction pour crime contre l'humanité était encore impensable il y a 15 ans».

Mais tout n'est jamais rose et ceux dont le sort semble voué au malheur sont encore légion. «Le destin des femmes dans les conflits armés, par exemple, me préoccupe énormément. Elles sont doublement victimes: de la guerre qui détruit leurs vies, et des hommes qui les violent.» Comment agir, que faire? Quand on lui pose la question, Daniel Bolomey réplique sans appel: «Se mobiliser beaucoup plus.»

Et se mobiliser ici. Ici où les choses doivent aussi changer. Car «alors que les élites politiques s'engagent pour la défense des droits fondamentaux à l'étranger, elles entrent, chez elles, dans le jeu de partis populistes!», dénonce Daniel Bolomey, avant de conclure: «Il ne faudrait jamais oublier nos valeurs fondamentales.»

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