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«Avec la chute du Mur, nous avons perdu une bataille»

Anne Polikeit est Allemande et communiste. Enseignante à la HE-Arc, elle revient sur les événements de 1989 et ses conséquences.

12 oct. 2009, 08:10

Le 9 novembre 1989, les télévisions du monde entier diffusent les images de la destruction du Mur de Berlin, ultime symbole de la guerre froide. Débarrassés du «Mur de la honte», les citoyens jubilent. Tous? Non, car avec ce rempart périssent les idéaux caressés par les militants communistes allemands. Parmi eux, Anne Polikeit, 42 ans, qui vivait alors avec sa famille à Wuppertal, en RFA. Aujourd'hui domiciliée en Suisse, où elle exerce en tant que professeure à la Haute Ecole Arc à Saint-Imier, tout en étant membre du POP bernois, elle se souvient de l'évènement qui a entraîné, deux ans plus tard, la chute de l'Union soviétique.

Comment viviez-vous la séparation de l'Allemagne, avant la chute du Mur?

J'ai toujours vécu avec le Mur, c'était quelque chose de naturel pour moi. Je considérais la RDA et la RFA comme deux pays distincts. Nous résidions en Allemagne de l'Ouest car mon père voulait vivre dans la région qui l'a vu grandir. Ayant de la famille en Allemagne de l'Est, il m'est arrivé de franchir la frontière, pendant les vacances. La traversée était plus facile pour nous, Allemands de la RFA, que pour nos proches.

L'orientation politique de votre famille suscitait-elle des critiques en Allemagne de l'Ouest?

Les communistes n'étaient pas bien vus en RFA, il est vrai. Etant petite, mes parents m'emmenaient souvent aux manifestations socialistes, et je me souviens avoir entendu des gens nous dire: «Partez à l'Est!» D'autant plus que mon père travaillait pour le parti en tant que journaliste. Certaines professions de service public comme l'enseignement ou la distribution de courrier, étaient par ailleurs difficilement accessibles aux communistes.

Quand avez-vous commencé à militer pour le parti?

A l'âge de 14 ans, je me suis inscrite dans les jeunesses communistes (Sozialistische Deutsche Arbeiterjugend), une organisation qui existe toujours. Mon frère en faisait déjà partie à l'époque, et toute ma famille était engagée politiquement. Dans le socialisme, on dit que «ceux qui luttent peuvent perdre, mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu».

Comment avez-vous vécu la chute du mur, en novembre 1989?

Cet évènement n'est pas tombé du ciel. Vu l'état de crise, nous étions conscients que quelque chose devait changer, c'était inévitable! Seulement, nous aurions préféré une autre solution que l'ouverture du Mur, qui signifiait l'abandon d'un pouvoir socialiste. Nous avons vécu cela comme un échec. Une bataille a été perdue. Mon père s'est retrouvé au chômage et ma mère, qui travaillait pour des organisations socialistes, a dû trouver un autre emploi.

Quel regard portez-vous sur la situation actuelle en Allemagne, 20 ans après ces évènements?

La situation s'est aggravée pour le peuple dans toute l'Allemagne, et la société s'est individualisée. Les personnes ayant vécu en RDA ont perdu une certaine sécurité sociale et le chômage est très présent, ce qui fait fuir les jeunes. Il y a par ailleurs toujours une différence entre l'Est et l'Ouest. Le nombre d'heures de travail est par exemple plus élevé du côté oriental.

Quelle solution préconisez-vous?

On observe à l'heure actuelle une sorte de nivellement vers le bas. Or, pour plus de prestations sociales, il faut un système socialiste. Par le passé, certains pays socialistes ont fait des erreurs et même parfois commis des crimes. Mais ils ont au moins montré qu'il existe une alternative au capitalisme.

Vous vous dites communiste, pourtant votre situation professionnelle est aisée…

Ma situation, qui n'est pas absolument sûre, ne m'empêche pas de voir ce qui se passe dans le monde. Mon frère est au chômage et j'ai moi-même été confrontée à des périodes difficiles. «Le poème aux jeunes» de Bertolt Brecht, résume bien ma pensée (elle lit): «C'est vrai: je gagne encore de quoi vivre. Mais croyez-moi: c'est pur hasard. Manger à ma faim, Rien de ce que je fais ne m'en donne le droit. Par hasard je suis épargné.» Il n'y a pas que l'argent qui définit ma qualité de vie et si, dans un système socialiste, je devais vivre avec moins de confort, cela ne me dérangerait pas. Je gagnerais d'autres choses. /LAP

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