L'Allemagne doit se doter d'une législation spécifique sur les oeuvres d'art spoliées par les nazis, a déclaré le président du Congrès juif mondial, Ronald Lauder. Il s'est exprimé jeudi lors d'un discours à Berlin.
Selon M. Lauder, des milliers d'oeuvres d'art inestimables se trouvent dans les collections privées ou des musées après avoir été volées à des juifs sous le Troisième Reich. L'Allemagne ne dispose pas d'outils législatifs pour gérer ce genre d'affaires, a-t-il déploré.
L'Allemagne a déjà négocié des indemnisations sur "les questions délicates du travail forcé, des vols de dépôts bancaires ou des polices d'assurances", a-t-il rappelé. "J'encourage l'Allemagne à s'occuper de la question des oeuvres spoliées d'une manière tout aussi globale", a-t-il poursuivi,
Il a expliqué avoir présenté cette idée lors d'un entretien avec le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier et avec le ministre de la Justice, Heiko Maas. Pour M. Lauder, les musées devraient avoir à vérifier qu'aucune pièce volée ne se trouve dans leur collection, et pas aux héritiers de les retrouver.
Oeuvres spoliées
"C'est ce que l'Autriche a fait. La France et les Pays-Bas ont fait un pas dans cette direction et la Grande-Bretagne a une commission pour étudier les demandes et conseiller le gouvernement", a-t-il détaillé. "Mais ici, c'est l'Allemagne, où ces crimes ont débuté. Elle doit faire plus", a-t-il martelé.
Il a renouvelé sa demande d'une suppression de la période de 30 ans au-delà de laquelle on ne peut plus demander la restitution de biens volés. Il a aussi réitéré son appel à la création d'une commission pour traiter ces demandes et examiner les collections publiques à la recherche d'oeuvres spoliées.
Trésor artistique
La découverte en février 2012 - rendue publique seulement en novembre 2013 - d'environ 1400 oeuvres d'art, dont des tableaux de Matisse ou Chagall, avait suscité l'émoi en Allemagne et bien au-delà. Ce trésor artistique était entreposé dans l'appartement munichois de Cornelius Gurlitt, 81 ans, fils d'un marchand d'art qui avait largement profité des spoliations opérées par les nazis.
L'avocat de l'octogénaire a toutefois laissé entendre dans les médias allemands cette semaine que son client menait "déjà des négociations avec des héritiers" pour une éventuelle restitution d'oeuvres volées.
Procédures distinctes
En l'absence d'une commission centralisant toutes les demandes, l'affaire Gurlitt risque de générer "des centaines de procédures judiciaires distinctes". Il existe bien une commission en Allemagne, chargée d'arbitrer les contentieux entre héritiers et institutions publiques, mais son avis est purement consultatif.
Le congrès juif mondial est présidé par M. Lauder depuis 2007. L'organisation représente une centaine de communautés juives hors d'Israël à travers le monde.