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«La nostalgie d'un ailleurs révolu»

20 juin 2011, 08:05

Pour savoir d'où vient le nom du groupe Moriarty, ne cherchez pas du côté du très british Sherlock Holmes. Allez plutôt vous perdre sur la route de Jack Kerouac aux côtés de son héros paumé Dean Moriarty. Car l'errance, les plaines, ces cités aux bars interlopes où s'abîment les rêves, tout ça a nourri la musique des cinq musiciens parisiens. Leur premier album, «Gee Whiz But This is a Lonesome Town» sillonnait plutôt les chemins de traverse dans une atmosphère de nostalgie pastorale. «The Missing Room» s'électrise et parle de ces villes naissantes du début du XXe siècle, décrites à la lumière des films noirs. Rencontre avec la chanteuse Rosemary Standley et le contrebassiste et guitariste Stephan Zimmerli.

On parle souvent d'Amérique fantasmée en ce qui vous concerne. L'expression vous convient-elle?

RS: C'est assez juste, je crois que nous fantasmons plus un ailleurs, de par le fait qu'on a tous deux identités culturelles en nous. On se sent à moitié de quelque part, mais c'est un quelque part qui est révolu dans le temps. On a hérité de quelque chose d'un peu étrange, une nostalgie, et c'est avec ça qu'on a tissé plutôt qu'avec une Amérique fantasmée. Après, on ne peut pas nier nos influences musicales où il y a beaucoup de musique américaine. Mais il y a aussi de la musique européenne, de la musique africaine, de la musique du monde.

SZ: C'est une étiquette qu'on nous a collée... Vu depuis la France, dès qu'il y a un pour-cent de musique américaine, de l'harmonica ou un banjo, c'est automatiquement estampillé «Made in USA»... (rires)

Quel rapport avez-vous avec ce pays?

RS: La plupart d'entre nous sommes nés de parents américains établis à Paris. Ayant tous des parents étrangers, ç'a créé une complicité au départ. Il y avait un lien fort avec les Etats-Unis, soit par nos familles, soit parce qu'on y avait été beaucoup durant l'enfance.

SZ: Le fait également d'avoir découvert de la musique américaine au travers de ce rapport finalement assez distant au pays, ç'a été important. Même si la musique américaine est hégémonique et que tout le monde baigne dans cette culture. Pour nous c'était juste une chose nostalgique, naturelle de se connecter à cette culture. Il y a entre nous comme une énorme mémoire commune qu'on décèle par petits bouts.

Quelle évolution voyez-vous entre vos deux albums?

SZ: Pour nous, l'évolution c'est qu'à chaque nouvelle chanson il nous faut inventer quelque chose de neuf, pour rester vivants artistiquement. On a du mal à réutiliser une recette qui a marché. Intuitivement, on démonte tout et on recommence. Forcément c'est une évolution constante, mais je ne sais pas si elle est très linéaire. Je crois juste qu'on joue mieux ensemble.

RS: Il y a peut-être eu la révolution industrielle entre les deux disques… (rires) Le fait d'avoir beaucoup tourné nous a donné l'envie d'être un peu plus électriques. Plus de temps passé dans des avions, des trains, des villes... Il y a une densité et une tension qui génèrent un sentiment plus urbain.

Quel sens y a-t-il derrière le titre «The Missing Room»?

SZ: On est retombés sur une feuille où on avait couché des titres possibles pour le premier album. Ce titre-là prenait beaucoup de sens par rapport aux chansons qu'on avait. Sans que ça soit un concept album, il faisait résonner un thème commun à toutes ces chansons disparates.

Après, on a commencé à rêver ce que pouvait être cette pièce manquante. Une chambre d'hôtel qui a disparu, qu'on ne retrouve plus, un espace mental refoulé… On laisse les interprétations ouvertes.

Vous êtes connus pour utiliser un seul micro d'ambiance pour vous sonoriser en live. Vous continuez malgré le succès et les moyens à votre disposition?

RS: C'est quelque chose d'important dans l'identité du groupe. Difficile de ne plus le faire. Et quand on essaie la voie actuelle où chaque instrument est sonorisé séparément, certaines chansons comme «Jimmy» ne fonctionnent plus. L'énergie entre nous n'est plus là.

SZ: ç'a à voir avec le fait de vraiment habiter un lieu, avec les gens qui y sont, plutôt que de jouer dans un espace sonore virtuel géré par la technologie des ingénieurs du son. Entendre la pièce, entendre l'air vibrer. C'est important...

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