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Yoko Tsuno, un mythe en sursis

Les albums de Yoko Tsuno sont de plus en plus rares: faut-il s'en attrister ou s'en réjouir? les fans de la première heure retrouveront un univers familier, les autres risquent de rester en plan.

08 janv. 2011, 04:15

Apparue en 1970 dans les pages du magazine «Spirou», l'électronicienne japonaise Yoko Tsuno avait tout pour faire sensation. Un métier dont les applications dans la vie quotidienne étaient encore balbutiantes, une origine exotique, un prénom fleurant bon les années Beatles, un mélange original de science-fiction et de relents romantiques, voire médiévaux, et surtout un univers où les femmes se taillaient la part belle.

A une époque où la gent féminine dans la BD se réduisait à des utilités revêches et à quelques blondes du type de Barbarella ou de Natacha, l'increvable hôtesse de l'air (dont vient également, soit dit en passant, de sortir un anachronique nouvel album), Roger Leloup proposait une alternative inédite: une femme intelligente, scientifique même, jolie sans doute, mais sans rien d'accrocheur au niveau du sex-appeal, bref la première authentique héroïne moderne de bande dessinée. Son créateur poussait même la philogynie jusqu'à multiplier les personnages féminins qui devenaient systématiquement des amies de Yoko et à réduire les personnages masculins à des faire-valoir ou aux rôles de méchants.

Avec ce vingt-cinquième tome, qui arrive cinq ans après le précédent (nous sommes loin du rythme effréné des premiers épisodes!), les choses sont vraiment devenues extrêmement compliquées: l'histoire commence sur les terres de l'amie écossaise Cécilia, Yoko est accompagnée de sa toute nouvelle amie Emilia, on y retrouve Khany la Vinéenne à la peau bleue, on fait la connaissance d'une jeune androïde débranchée au 13e siècle et prise à l'époque pour une fille du diable, on va sous terre pour y retrouver une abbaye gothique et une croix celtique géante, on se bat contre des dragons, bref rien qui n'étonnera les inconditionnels d'un Leloup toujours fidèle à ses démons. L'album baigne dans de jolies couleurs rose-violet orange, un peu monotones tout de même. Le dessin est toujours très virtuose pour les décors et les engins spatiaux: on n'en attend certes pas moins de la part d'un auteur qui a fait ses classes dans les studios Hergé.

En revanche, et ce n'est pas nouveau non plus, Leloup est nettement moins à l'aise pour les personnages, raides et parfois même mal proportionnés. Enfin, on retrouve dans son scénario sa grande obsession, qui est la question de l'immortalité. La série des «Yoko Tsuno» y accédera-t-elle? Pas sûr. /ACO

«La servante de Lucifer», Roger Leloup (scénario et dessin), éd. Dupuis, 2010

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