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Une grand-mère pas très catholique

06 juil. 2009, 10:28

CRITIQUE - PAR LAURENCE DE COULON

Une grand-mère indigne, bourrée de mauvais principes d'éducation, une snob au discours antisémite, raconte la vie des femmes de sa famille. Les femmes, justement, elle n'en voulait pas, elle rêvait d'un fils, mais son mari Carl, qu'elle n'acceptait dans sa couche que pour engendrer des mâles, lui donna Renate. Le roman d'Irene Dische, une Américaine aux parents immigrants, doit sa réussite à l'ambiguïté de ce personnage, à son humour et aux talents de conteuse de son auteur. Cette grand-mère allemande, issue d'une bonne famille aux ascendants aristocrates et devenue bourgeoise, ultracatholique, n'aime pas les juifs, mais en épouse un, qui se convertit et cachera à ses petits-enfants son origine. Elle n'aime pas les juifs, donc, mais non contente d'en marier un, elle s'attache à sa belle famille, d'extraction plus populaire. Et lorsque le nazisme monte, nous sommes dans les années 1930, elle tentera de les protéger, puis, impuissante, enverra Carl à New York avant de le rejoindre avec sa fille, après avoir été humiliée par l'ostracisme exercé sur son époux, chirurgien réputé avant que la roue tourne. La grand-mère rappellera l'horreur en Allemagne à la fin du livre, montrant ainsi qu'un tel traumatisme ne s'oublie pas, mais non sans raconter sa vie aux Etats-Unis, qui commence mal et finit bien dans ce pays qu'elle adopte de toute son énergie. Mais du haut de ses principes très catholiques, elle s'inquiète pour sa fille qui épouse un autre juif, et surtout pour sa petite-fille Irene, une enfant peureuse, capricieuse et indomptable. Là, une autre ambiguïté surgit, celle du statut de la réalité: la petite-fille s'appelle Irene Dische, comme son auteur, mais cette dernière se complaît à brosser d'elle un portrait si peu complaisant justement, il est vrai à travers les yeux de sa grand-mère, qu'on se demande tout de même où est la vérité, où est la fiction. Une comédie qui n'évacue pas le drame, tout en ironie et ambiguïté, à l'égard de la judéité, de l'affection portée à la famille, des valeurs traditionnelles et modernes.

«Grand-mère déballe tout», Irene Dische, Editions du seuil, 2009.

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