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Une conversation mortelle

08 juin 2009, 08:55

La mort? Un sujet a priori essentiel, mais tout à fait déprimant, en tous les cas sérieux. Or l'écrivain anglais Julian Barnes, auteur du célèbre «Perroquet de Flaubert», lauréat du Prix Médicis essai en 1986, lui dédie un livre brillant, érudit et drôle. Rien à craindre est né de la «thanatophobie» de son auteur, une obsession de longue date qu'il se plaît parfois à rendre dérisoire.

Le titre, un jeu de mots, souligne que le néant est bel et bien à craindre, et s'appuie sur une citation de Jules Renard, l'auteur admiré par Julian Barnes de «Poil de carotte»: «Le mot le plus vrai, le plus exact, le mieux rempli de sens, c'est le mot «rien»».

Au fil des pages, l'écrivain britannique démolit les arguments de consolation face à la mort, et consulte les philosophes, les écrivains et les neurosciences. Ces dernières sont bien rationnelles mais peu convaincantes face à la peur de mourir de notre artiste. Elles ont toutefois l'avantage de flatter l'athéisme de l'Anglais, qui aurait bien voulu croire à la vie éternelle mais ne peut s'y résoudre, et soulèvent notamment de vertigineuses questions d'identité. Consulté par l'auteur en tant que philosophe, son frère donne le prétexte d'anecdotes piquantes et de savoureuses pages sceptiques à propos de cette science: les deux frangins ne peuvent, bien entendu, pas s'entendre sur la question, l'un acceptant résolument son destin, et l'autre n'y parvenant décidément pas. Cette peur est rationnelle, soutient Julian Barnes, mais est-elle indispensable, améliore-t-elle ou gâche-t-elle la vie des êtres humains?

Ses nombreuses déambulations l'amènent aussi à soulever la question de la mémoire, bien fautive, de la littérature et de l'imaginaire.

Un livre intelligent, brillant, spirituel, voire réjouissant, sur un thème qui ne l'est pas du tout, et qui s'empare de son sujet avec une grande érudition, est construit d'une façon organisée mais donne l'impression de se dérouler au cours d'une conversation délicieuse. On aimerait beaucoup avoir Julian Barnes à table lors d'un prochain dîner.

«Rien à craindre», Julian Barnes, Mercure de France, 2009

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