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Un témoin de 1kg 600 pour un sculpteur majeur

Un ouvrage de 200 pages, qui vient combler un manque. Berthoud sculpteur, l'ermite des Bulles, se voit enfin gratifier d'une trace digne de lui.

12 mai 2009, 10:18

Rien de tel ne lui avait été consacré jusqu'ici. Un ouvrage de plus de deux cents pages, fruit d'un bel élan collectif, et que l'intéressé accueille comme «un signe de reconnaissance». «Berthoud sculpteur», une somme, trace un chemin pour aller à la rencontre de l'œuvre, avec ses jalons, et de l'homme Francis Bertoud-dit-Gallon, qui se raconte longuement au fil d'entretiens avec l'historien Maurice Evard (lire ci-contre). L'œuvre et l'homme, qui, chez Berthoud, ne font qu'un.

«Connaître mon enfance est utile si l'on veut comprendre le reste», dit-il, dans son «ermitage» des Bulles où il nous reçoit, au-dessus de La Chaux-de-Fonds. Une enfance marquée par la peur face aux éclats du père - le petit Francis l'étrangle dans un rêve qu'il fait à cinq ans, du grain à moudre pour Freud -; par de lourds secrets de famille; par le divorce de ses parents. Et une fragilité des voies respiratoires qui, il y a cinq ans, sera pour beaucoup dans la fin du long combat de Berthoud sculpteur avec l'acier carron, ce fer à béton devenu son matériau de prédilection.

«Je n'ai jamais rien fait qui soit de l'art pour l'art», confie-t-il, face à sa planche à dessins sur laquelle il se penche chaque jour désormais. «Pour moi, l'art, c'est la vie, l'art d'être». Recherche de l'absolu, connaissance de soi... la quête de Berthoud renvoie dans les cordes toute tentative d'étiquetage, de classification chère à l'histoire de l'art: «La figuration ou l'abstraction, c'est un faux problème, balaie-t-il dans un sourire.

«Pour Berthoud, la production artistique est une extériorisation des réflexions et des idées», écrit l'historienne d'art Pia Zeugin. «Il saisit à deux mains des mystères qui ont certes une forme physique, mais qui appartiennent à un monde spirituel». L'Evangile apocryphe de Thomas, les enseignements de maître Ekhart, entre autres, en sont des émanations qui l'ont fortement imprégné. On songe au «Christ en fraternité» hérissé de mains tendues, dressé à l'angle du chemin menant chez Francis Berthoud, une autre trace tangible de sa quête intérieure. «Une image du frère en sa perfection», souffle le sculpteur.

Mais Berthoud n'est pas un mystique coupé du monde. Fortement ancré dans son époque, il l'est, ne serait-ce que par l'usage du fer à béton. «Le monde, je le vis, donc je l'intègre». Au carrefour des luttes individuelles et des mutations de la société, «La bête ou la métamorphose» (1968), copulation en même temps qu'accouchement, figure parmi les œuvres majeures de l'artiste. Il fustige la guerre à travers la déesse Athéna mise en lambeaux; il célèbre le couple et la légèreté de l'air, s'interroge sur la condition féminine, s'horrifie de la faim dans le monde. Il nous invite à déchiffrer de riches allégories, sans chercher à forger notre jugement sur sa propre enclume. «J'ai poussé l'individu à faire un effort pour qu'il se regarde dans le miroir, je lui ai proposé de réfléchir, mais sans l'écraser. Mon attitude n'a jamais été de démolir ou de casser quelque chose, mais de construire, avec le respect absolu d'autrui».

Quand on lui demande s'il se soucie de la postérité de son œuvre, il répond qu'il ne pense à rien! Puis: «Je la considère, cette œuvre, comme un enfant devenu adulte: qu'elle fasse son chemin!» /DBO

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