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Un modèle périmé mais grandiose

27 févr. 2009, 04:15

De la projection du 29e long métrage de Clint Eastwood, l'on émerge étreint par une émotion semblable à celle qui nous avait saisis au sortir de «Million Dollars Baby», à la différence près que ce cinéaste bientôt octogénaire a administré à «Gran Torino» une sacrée dose d'autodérision.

Le film commence dans une église de la banlieue de Détroit: vétéran de la guerre de Corée, ouvrier à la retraite des usines Ford, Walt Kowalski (Eastwood) enterre sa femme. Droit dans ses bottes, Walt grogne des imprécations contre ses petits-enfants délurés, le trop jeune curé en charge de l'oraison. Plus tard, sur la terrasse de sa baraque où flotte la bannière étoilée, il continue à déverser sa bile sur ses nouveaux voisins, des «bridés», des «faces de citron», morigénant ce quartier «américain» devenu un ghetto pour immigrants démunis. L'opinion du spectateur sur ce «Polak mal torché» semble faite: infréquentable, fait d'un bloc de haine et de ressentiment! En un peu moins de deux heures, le réalisateur d'«Impitoyable» va alors accomplir une démonstration éblouissante, en amenant ce personnage irrécupérable à une rédemption insoupçonnée.

Une nuit, Walt surprend dans son garage Thaho, le fils de ses voisins «jaunes». Terrorisé par un gang, l'adolescent tentait de dérober pour leur compte sa voiture, une Gran Torino modèle 1972… Après avoir sermonné le gamin, Walt va donner un avertissement de son cru aux voyous qui l'ont embringué. Ce faisant, il déclenche une suite de réactions en chaîne dont il ne mesure pas les conséquences. En attendant, son geste lui vaut d'être considéré comme un héros par le gynécée qui habite à côté de chez lui. Reconnaissantes, la mère, la grand-mère et la jeune sœur de Thao lui offrent des mets traditionnels. Après les avoir suppliées de reprendre leurs «cochonneries», Walt va découvrir combien la nourriture «hmong» est succulente…

On n'en dira pas plus, sinon que le film se termine par un climax dévastateur pour le spectateur, conférant à ce drôle de drame une dimension crépusculaire. Les spécialistes rétorqueront que le bonhomme tourne des films crépusculaires depuis belle lurette, disons à partir de «Josey Wales hors-la-loi» (1976). Mais c'est la première fois que le sieur Eastwood fait directement référence au personnage de l'inspecteur Harry, dont les méthodes fascisantes lui permirent de conquérir Hollywood dans les années 70, sauf que Walt, une sorte de décalque prolo et repenti du flamboyant Harry, ne fera que «mimer» au sens théâtral du terme la vendetta de son prédécesseur… Toute la différence est là, dans ce petit geste: du grand art!

Neuchâtel, Apollo 2; La Chaux-de-Fonds, Eden; 1h56

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