Ecrivain de l'érotisme, de la mort et du secret, Jacques Chessex s'offre un beau succès de librairie pour ses 75 ans qu'il aura dimanche. «Un Juif pour l'exemple» atteint les 32 000 exemplaires, signale-t-il avec une pointe de fierté.
Sorti il y a sept semaines, le livre réussit un tel score grâce à sa diffusion en France. «Ce succès m'enchante mais je ne m'y attendais pas», souligne le lauréat du Goncourt 1973.
«L'intérêt que ce livre suscite ne me surprend pas», dit-il. «Le thème de l'assassinat d'un marchand juif est malheureusement récurrent. Ce qui s'est passé à Payerne en 1942, peut se reproduire. La peste brune peut renaître.»
Le drame s'est déroulé dans sa ville natale et le romancier répète aujourd'hui être hanté par cette affaire dont il a été le témoin indirect. Il dit en ressentir du remords, même plus de soixante ans après les faits.
«Je ne voulais pas rater ce roman notamment à l'endroit de la communauté juive. J'avais donc besoin de temps (...) Pour autant, le point final ne sera jamais mis. On ne fait le deuil de rien, ni de personne. Les disparus vivent avec nous.»
Nombre de lecteurs louent la puissance de ce récit à la fois compact et saisissant. A Payerne en revanche, le livre divise. Il suscite la polémique car certains habitants de la cité broyarde n'apprécient guère que l'écrivain remue ce passé peu glorieux.
«Je crois qu'on n'écrit pas pour rien», a-t-il expliqué sur les ondes de la Radio suisse romande. «Le fait d'être lu et parfois contesté justifie toute une vie passée dans l'écriture (...) Les livres, il faut les faire naître de soi et c'est un long travail.»
Dans ce processus, il faut dit-il «savoir se désencombrer d'un certain nombre de chaînes, j'en ai connu quelques-unes! Il faut savoir traverser des gouffres, j'en ai passé quelques-uns aussi, assez nombreux même. A un certain moment, il faut ne plus se préoccuper de ce que les gens pensent.»
Ces dernières années justement, son style s'épure, ses livres s'allègent et deviennent plus courts. Son lectorat reste important, en France en particulier.
Pour ses 75 ans, Jacques Chessex n'a rien prévu de particulier. «Je veux qu'on me laisse vivre en paix, selon mes idées, avec la plus grande tranquillité.»
Né le 1er mars 1934 à Payerne (VD), Jacques Chessex étudie à Fribourg et Lausanne. Il se passionne pour l'histoire de l'art et bien sûr la littérature. «J'ai commencé très tôt, j'ai publié mes premiers textes à l'âge de 18 ans, mon premier livre à 20 ans. Il me paraissait naturel que je fasse ce pour quoi j'étais fait.» /ats