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Stéphane Brizé capte la naissance silencieuse des sentiments

Mari comblé, un maçon taiseux s'éprend de l'institutrice de son fils. L'histoire est connue, mais Stéphane Brizé a réussi à lui donner une belle intensité à laquelle Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon ne sont évidemment pas étrangers. Entretien avec un réalisateur talentueux qui ose le pari de la lenteur.

16 oct. 2009, 08:42

Stéphane Brizé, «Mademoiselle Chambon» est adapté du roman homonyme d'Eric Holder, qu'est-ce qui vous a incité à l'adapter?

La vie me nourrit et me fait vivre des émotions qui font que je peux les traduire en images. Je ne peux essayer de transcrire que des choses que j'ai éprouvées. Cette histoire est tellement banale qu'on peut se demander pourquoi acheter les droits d'un bouquin pour la raconter. Mais, en lisant le roman d'Eric Holder, j'ai eu l'impression que la manière dont il traduisait ses émotions, la fragilité avec laquelle il écrit, c'est comme s'il me montrait à travers son livre comment raconter cette histoire avec mes outils de cinéaste. Au final, le bouquin est très adapté, très trahi aussi, le dernier quart n'a strictement rien à voir avec le livre. Mais si le livre et le film sont très différents dans leur structure narrative, à l'arrivée ils sont très proches. Holder est complètement d'accord avec ça. Ils sont traversés par les mêmes harmonies, même s'il ne s'agit pas forcément de la même mélodie!

Deux choses frappent à la vision du film: sa dimension laconique et le rythme, plutôt lent, mais en parfait accord avec le thème profond du film, qui est la peur, la peur de se tromper, de prendre une décision…

Ce que je veux éviter à tout prix, ce sont les longues explications: d'où vous venez, pour quoi vous faites ci ou ça, tout ce qui est lourd. Le pari dans ce film était de faire naître l'émotion, le temps y participe clairement. Je me suis beaucoup interrogé sur le rythme à donner à «Mademoiselle Chambon», c'est une histoire simple à comprendre, émotionnelle! La multiplication des points de vue dans les films, l'accélération liée au découpage, je les ressens comme un espace qu'on veut essayer de remplir à tout prix, par peur. Souvent dans la vie, je suis bavard, je parle un peu trop vite, j'ai peur qu'on ne me comprenne pas bien, donc je remplis: non seulement, on ne me comprend pas mieux, mais en plus je suis même moins clair!

Dans ce cinéma français très parisianiste, il est rare de voir un personnage comme celui de Jean, le maçon, qui est interprété par Vincent Lindon. Manuel, provincial, taciturne, hésitant…

C'est vrai, j'ai fait une sorte de pari avec Jean. Son sentiment est sincère, mais il ne peut pas vraiment l'expliquer ni, surtout, se l'expliquer, alors qu'il est devant un choix primordial! Dans ce contexte, Vincent Lindon m'a été d'une grande aide. Au moment du tournage, j'ai interrompu des scènes entières pour les réécrire et les retourner le lendemain. L'intuition de Vincent faisait écho à ce que je sentais depuis longtemps, mais sans m'autoriser à le penser vraiment. Notre rapport a vraiment été magique, même si parfois on bataillait ferme, mais c'était pour le bien du film. /VAD

Neuchâtel, Bio, di à 20h15; La Chaux-de-Fonds, Scala 1, sa à 20h30

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