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Sous le vernis d'une société policée

07 juin 2011, 11:43

Tout commence comme une agréable comédie de m½urs. Paul Lohman a rendez-vous dans un restaurant branché et cher avec son frère, ce qui a le don de l'horripiler. Il préférerait de loin passer une soirée en amoureux avec son épouse Claire qu'il idolâtre. A l'inverse, son frère a tous les défauts. Il s'enorgueillit d'obtenir une table partout, y compris dans les lieux les plus courus. A vrai dire, Serge Lohman s'enorgueillit de bien des choses, notamment de s'y connaître en vins, une marotte choisie pour servir ses ambitions politiques: il est le grand favori dans la course au poste de Premier Ministre des Pays-Bas.

Dans cet endroit guindé, Paul s'agace de tout: du prix exorbitant des plats, de la prétention absurde du gérant, de son frère ambitieux et superficiel, de son frère qui a adopté un Burkinabé, un geste «gratuit» puisqu'il avait déjà des enfants biologiques, de son frère qui a acheté une maison en France et qui ne s'aperçoit pas de l'hostilité pourtant manifeste des gens du coin, et de son frère, encore et toujours.

La jalousie de Paul et le ridicule de Serge flattent le palais, à l'instar de leurs plats savamment concoctés ou des bulles de leur champagne. Mais une menace plane. Paul sait quelque chose de son fils qu'il est bien décidé à cacher, même à sa femme, et plus encore à son frère. Le crime de Michel, dévoilé petit à petit, et le comportement de ses parents dérangent profondément et font oublier le confort qui avait été installé par la comédie du début. Auréolé de succès aux Pays-Bas, «Le Dîner» d'Herman Koch surprend par son ambivalence.

Sous des cieux plus cléments

A Montelfo, les habitants veulent sauver le «Bar Sport» que des promoteurs immobiliers et des bulldozers menacent de détruire. Sur ce canevas simple et naïf se greffent des personnages pittoresques, des récits épiques, et une ambiance à la fois merveilleuse et peu raffinée. Parmi les représentantes du sexe dit faible, l'on compte «Maria Sandokan, femme de Trincon Taureau, dotée d'une vigueur physique légendaire. Quand le bœuf tomba malade, elle laboura un champ toute seule», et «Sophronie, la grande cuisinière, qui reconnaissait le meilleur œuf en regardant la poule dans les yeux». Quant au merveilleux, c'est trois adolescents, Alice, dont le prénom parle de lui-même, Plombin, amoureux de la susdite demoiselle, et Django, amateur de «rock rural-brutal», qui le rencontrent sous la forme d'un gnome bienveillant, sur leur chemin dans la forêt pour espionner les pelleteuses. Un roman délicieusement inventif, fantaisiste, burlesque et magique.

À Oxford, décorum et indifférence

Autre lieu, autres mœurs. Diplômée d'Oxford, l'écrivaine Naomi Alderman est bien placée pour critiquer l'université prestigieuse. Son personnage, James Stieff, s'imagine qu'il passera ses examens brillamment et rencontrera des gens influents à Oxford. Mais il est vite détrompé: l'ancien premier de classe remet en cause ses capacités intellectuelles, et découragé par ses résultats, il court pour oublier. Une chute le handicape provisoirement mais le retarde définitivement, et lorsque Mark, un étudiant richissime, lui propose, ainsi qu'à une poignée d'amis, de vivre dans sa maison absurdement immense et délabrée, il accepte avec empressement, pour éviter la dépression qui le guette.

Pour James Stieff, Oxford se résume à «des cours inintéressants, une petite chambre inconfortable, des professeurs indifférents. Reste le décorum: les toges, les rues pavées, les plafonds voûtés des bibliothèques et les portraits du XVIe siècle. C'est ancien, c'est beau, c'est prestigieux. Et c'est injuste, mesquin, glacial.» Sa rencontre avec Jess, une musicienne talentueuse, et sa vie autour du séduisant et fragile Mark le sauvent de cette froideur. Mais à la fin de sa dernière année, alors qu'il se croit profondément amoureux de sa petite amie, James vit une révélation bouleversante. Avec subtilité et crédibilité, Naomi Alderman peint la victime d'un homme fascinant, tourmenté et séducteur. 

«Le Dîner», Herman Koch, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, Ed. Belfont, 336 p. Fr. 35.60

«Pain et tempête», Stafno Benni, traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli, Ed. Actes Sud, 288 p. Fr. 36.50

«Mauvais genre», Naomi Alderman, traduit de l'anglais par Hélène Papot, Ed. de l'Olivier, 384 p, Fr. 38.50 

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