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«Se découvrir et accéder au sens»

11 juin 2011, 12:49

«Le danseur aime danser.» Gil Roman, directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne, s'allume une énième cigarette, un sourire en coin.

Tandis que la fumée virevolte entre piles de papiers et tasses de cafés, il poursuit. «Il y a la forme, certes, mais il y a aussi le fond.» Il est ferme soudain. Ses traits marquent l'exigence. «Il ne faut pas imaginer une compagnie comme une famille. Ce serait une caricature grossière. Je ne veux pas que mes danseurs soient mes enfants, je veux qu'ils soient des adultes responsables.»

Des adultes responsables, ça laisse songeur… Il n'est pas question ici de payer son loyer, ses factures, ou encore d'honorer ses engagements. Gil Roman évoque une notion plus fondamentalement humaine, une relation plus complexe entre l'homme et le monde: son rapport à l'existence. «Des adultes responsables.» Ça laisse doublement songeur, si l'on pense aux liens qu'il nourrit pourtant avec sa troupe.

En tant que directeur artistique, qui plus est, en tant que chorégraphe, il est le seul capitaine à bord. Il tient le gouvernail et il choisit les différents caps à suivre selon le voyage entrepris. «Mon rôle, est de mettre en valeur le danseur, de lui donner une direction pour qu'ainsi il puisse se découvrir, puis accéder au sens.»

Pour appréhender ce rapport particulier entre le chorégraphe et son danseur, il faut imaginer la composition d'un sonnet. Gil Roman en serait la contrainte: tant de pieds par vers, tant de vers par strophes, et l'agencement des rimes. Le danseur, lui, incarnerait les mots, leurs couleurs, leurs saveurs. Puis seulement vient le sens. A travers cette alliance subtile, rigoureuse, entre forme et fond. Cette énergie particulière, intemporelle, omniprésente, que l'esprit goûte au moment seulement où il s'en laisse submerger, quand l'intellect se retire pour laisser place à la sensation pure, primitive. «Ne retenons que les forces essentielles de l'homme, qui sont les mêmes dans tous les continents, sous toutes les latitudes, à toutes les époques», disait notamment Maurice Béjart, le maître absolu de Gil Roman, pour parler de son œuvre majeure «Le sacre du printemps».

La sensation prime

«Je ne commence jamais par expliquer à mes danseurs, la signification d'un ballet», reprend le chorégraphe. Dans «Le sacre du printemps», par exemple, un homme s'avance, se met à quatre pattes et redevient animal. Peu à peu, il se redresse et retrouve son humanité, mais dans son essence. «Les danseurs doivent avant tout sentir les os pousser sous leur peau. Je me méfie des mots qui pourraient interférer entre la sensation et le sens. La danse, c'est à la fois une question de volonté et d'abandon», sourit-il enfin.

«Avec mes danseurs, je me sens plus comme un jardinier qui regarde ses plantes pousser que comme un père… Je place un tuteur pour les guider. Mais après trente années de recherches, j'apprends encore. Et j'apprends parfois tout autant d'eux que ce que je leur enseigne. Surtout, j'apprends que je ne sais rien.»

Renseignements et réservations:
Du 11 au 17 juin.
www.bejart.ch ou 021 641 64 80

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