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Repas du dimanche à l'italienne

24 juin 2011, 09:29

Reporter du quotidien, Valérie Losa a pour seuls outils de travail un crayon, une plume, des encres et aussi l'art de saisir au vol les petits bonheurs du quotidien. Dans l'ouvrage «Un goût d'Italie», publié aux éditions G d'Encre, l'artiste neuchâteloise raconte sous forme de reportage illustré les repas dominicaux chez des Italiens de Suisse. Cette tradition, fortement ancrée dans de nombreuses familles transalpines, prend une dimension particulière pour ceux et celles qui ont émigré au loin, la mémoire culinaire demeurant l'un des liens les plus forts, les plus fédérateurs, avec le pays d'origine.

A travers la saveur de recettes mitonnées par des générations de «mammas», à travers les souvenirs passés au filtre de la nostalgie, Valérie Losa traite au fil de ses dessins de thèmes aussi universels que les déchirements de l'exil, les problématiques de l'intégration, les mutations sociales, les dislocations des liens familiaux et des traditions.

Presque de la famille

Pour ce travail, Valérie Losa a suivi cinq familles italiennes installées à Lucerne et à Berne. Dimanche après dimanche, durant quatre mois, ses hôtes l'ont invitée à partager leurs repas, ils lui ont ouvert la porte de leurs cuisines, lui ont raconté les dimanches de leur enfance dans leur village des Pouilles où «en sortant de l'Eglise, on sentait déjà dans les rues, l'odeur du dîner». La jeune artiste a longuement interviewé ses interlocuteurs, elle les a photographiés, dessinés, a recueilli quelques savoureuses recettes, réalisant tous ses croquis sur le vif lors de ses visites.

Valérie Losa: «Ça n'a pas été simple de trouver des gens ayant conservé la tradition des repas dominicaux. Mais ceux qui m'ont ouvert leur porte, m'ont accueillie comme un membre de leur propre famille. Passé le premier moment de méfiance par rapport à ce que j'allais bien pouvoir raconter avec mes crayons, ils m'ont confié leur mal du pays, leurs espoirs à leur arrivée en Suisse, leurs désillusions, leurs regrets pour cette Italie idyllique qui n'existe plus que dans leurs rêves.»

«Ma récompense»

Le plus difficile pour l'auteure fut de choisir, parmi les 50 heures d'entretiens enregistrés, quelques petites phrases clés servant de fil conducteur aux dessins: «Je me sentais un peu responsable de ces récits, ce fut dur de prendre congé de toutes les anecdotes qu'on m'avait confiées. J'avais peur que mes interlocuteurs ne se reconnaissent pas dans les quelques extraits publiés. Mais cette contrainte qu'impose le reportage dessiné était nécessaire pour donner une immédiateté aux dialogues. Et ma plus belle récompense fut leur fierté à la sortie du livre en italien.»

Esquissé par les dessinateurs américains des années 1970, le reportage dessiné est aujourd'hui un genre journalistique reconnu grâce à des auteurs comme Joe Sacco («Gaza 1956»). Toutefois, la démarche de Valérie Losa ne relève pas de la bande dessinée proprement dite. Mêlant le destin des cinq familles rencontrées, l'auteure s'est focalisée sur le mal du pays qui émane de tous ces récits de vie et qui sont illustrés comme des cartes postales en teintes sépia, hors du temps. Alors, quand bien même cette Italie là n'existe plus, il reste le goût d'un certain art de vivre. Une bouffée de saveurs goûtues, de tendresse, de poésie, délicieusement anachronique dans un monde saturé d'images chocs.

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