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Quand Rome vomit son passé et ses fantômes

13 sept. 2011, 11:10

Quel étrange roman que ce livre donnant la vie à Rome et l'ôtant à ses personnages. L'écrivain français Stéphane Audeguy imagine dans «Rom@» que la ville éternelle veut prendre corps par amour pour une mystérieuse personne. Et Rome parle, se déclare dans une langue poétique, dense et mystérieuse. Ses récits sur son histoire, mais surtout sur ses sensations de ville généreusement peuplée, sont intercalés, avant de s'y fondre complètement, avec les aventures de personnages humains aux vies sombres, racontées avec plus de simplicité et beaucoup de crudité.

Nano, un orphelin indien, se prostitue avant d'émigrer dans un pays du Golfe où il nettoie des latrines. Il rencontre un jeune prince qui, impressionné par son agilité aux jeux vidéo, l'engage dans son équipe qui participera aux Vidéolympiques à Rome. Delenda, lui, est le champion de «Rom@», jeu qui constitue la troisième étape de cette compétition. Ce culturiste chaste dont le frère jumeau mort-né gâche la vie se persuade que le jeu «est une porte battante ouverte sur le Temps». Nitzky, enfin, est le concepteur de «Rom@». Originaire de Pologne et d'une famille médiocre, il peut voir les spectres de la Shoah mais ne doit surtout pas l'avouer, et découvre les jeux électroniques grâce à un touriste qui sent bon.

Alors que ces trois hommes vont s'affronter à Rome, la ville laisse échapper des fantômes de son temps passé. Des visions sans danger apparaissent d'abord: un Benito Mussolini qui se contente de parler, et devient le prétexte d'une digression sur l'architecture mussolinienne, et une Audrey Hepburn qui s'enfuit, effrayée par toute l'attention qu'elle suscite. Puis ils laissent place à des soldats dangereux et à des flots d'eau, et c'est bientôt le chaos.

Avec «Rom@», Stéphane Audeguy signe un livre d'une grande cohérence et d'une grande maîtrise, entre extrême modernité puisque le récit tourne autour d'un jeu vidéo en ligne, et un certain classicisme, avec ses références à l'histoire antique et une langue très travaillée. Ce roman n'est pas simplement un livre sur Rome, mais aussi sur la vie, la mort, le temps qui se meurt la queue, l'histoire qui n'est pas linéaire.

«Rom@», Stéphane Audeguy, éd. Gallimard, 240 p.; Fr. 27.65

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