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Quand la catastrophe est la norme

02 nov. 2011, 11:13

Acteur au talent immense, révélé par les frères Dardenne, Olivier Gourmet interprète le rôle de Bertrand Saint-Jean, ministre des transports dans le film de Pierre Schoeller, réalisateur non moins talentueux, qui nous plonge dans les arcanes du pouvoir dopé à l'adrénaline. Nous avons rencontré l'un et l'autre.

Pierre Schoeller, dans quelles sources avez-vous puisé la matière, très confidentielle, de votre second long-métrage?

Les sources ont été multiples. Cela a représenté un vrai travail de fourmi, très précis, très besogneux, consistant à lire beaucoup d'articles dans la presse, de les découper, d'y revenir, de les classer, de répertorier des photos, de consulter des ouvrages spécialisés, mais sans porter de jugement, sur le mode de l'observation. Ça m'a peu à peu donné des envies de cinéma, ouvert des pistes de fiction…

Au point d'ouvrir «L'exercice de l'Etat» par une scène de rêve, provoquant une «érection ministérielle»…

C'est pour montrer d'emblée que mon protagoniste est en état d'excitation, c'est son moteur! Ça me plaisait beaucoup que la première chose que l'on voit de ce personnage officiel soit un acte intime, relevant de l'ordre de l'imaginaire, du fantasme, qui trahit aussi sa fascination pour l'ordonnance du pouvoir! C'est quelque chose qui va résonner pendant tout le film. Mais une fois entré dans le vif du sujet, j'ai dû laisser cet aspect de côté, il fallait donc que le rêve soit très fort, très marquant.

Olivier Gourmet, un rôle comme celui de Bertrand Saint-Jean, cela ne se refuse pas…

En effet et pour plein de raisons. C'est un personnage magnifique à interpréter. Il passe par quantité d'émotions très différentes sur toute la longueur du film… C'est très jouissif pour un acteur, surtout que ces émotions sont profondément humaines. Au-delà du rôle, ce qui m'a vraiment plu, c'est la dimension cinématographique «grand public» que Pierre Schoeller a su donner à un film qui ne parle que de politique. Le film est toujours inscrit dans l'action, l'émotion, la tension, tout en restant profondément humain.

Avez-vous suivi une préparation spécifique à votre personnage avant de tourner?

Je ne fais jamais de préparation particulière. Mais j'adore me confronter à la réalité des personnages que je suis censé incarner. C'est un de mes grands plaisirs d'acteur! Ce n'est pas une démarche citoyenne ou civique. J'aime bien rencontrer les gens, leur parler, connaître leur réalité, en débattre… J'ai aussi suivi un ministre sur une journée, histoire de ressentir de l'intérieur toute l'adrénaline qui se dégage. On ne peut pas imaginer la tension qui règne dans un ministère!

Pierre Schoeller, pourquoi avoir jeté votre dévolu sur un ministre des transports?

Un ministre des transports a une relation plus directe, plus élémentaire avec la politique. Quand il y a un accident grave, comme l'accident de car au début du film, il doit y aller et s'astreindre à un exercice basique: représenter le peuple, exprimer le sentiment national dans une épreuve. Cela m'a permis de montrer que mon protagoniste a un rapport sincère à ce qu'il voit. La difficulté qu'il a d'accomplir cet acte plaide en sa faveur.

Votre film révèle également toute l'importance de l'entourage…

Vous savez, quand un ministre lit un discours ou improvise une déclaration, vous avez la chargée de communication à ses côtés, qui lui souffle les phrases, comme au théâtre. La parole du ministre procède presque toujours d'un travail collectif. Un ministre évidemment pèse sur son action, mais l'élaboration est commune.

Olivier Gourmet, sans rendre sympathique votre personnage, est-ce que vous ne réhabilitez pas un peu à travers lui «l'exercice de l'Etat»?

Oui, sans doute, mais il y a dans les ministères beaucoup de gens qui ont encore cette ambition, cette conviction du service de l'Etat. Même si on sait que le pouvoir leur échappe, parce qu'ils l'ont laissé partir ailleurs, vers les puissances financières.

De Pierre Schoeller, avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman… Durée: 1h52. Age légal /conseillé: 12 /14

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