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Portrait d'une artiste, veilleuse sereine de nos rêves inachevés

Egérie psalmodiante du mouvement punk, apparue au milieu des années septante, la chanteuse et poétesse Patti Smith lui a survécu. Primé à Sundance, le documentaire de Steven Sebring nous fait entrer dans l'intimité de cette icône rebelle à toute récupération.

23 oct. 2009, 11:35

Le film portrait est un genre documentaire assez difficile à réussir, dont la réalisation comprend moult chausse-trappes. Un peu trop énamouré de son sujet, son auteur peut ainsi très aisément tomber dans le piège de l'hagiographie flagorneuse. Souvent, par manque de matériel visuel, résulte souvent de ce type d'exercice ce que les mauvais esprits appellent à raison un festival de têtes parlantes! Rassurons le lecteur, «Patti Smith, Dream Of Life» parvient complètement à éviter ces deux ornières.

Plusieurs raisons expliquent cette réussite indéniable. Tout d'abord, le réalisateur a vraiment pris son temps, puisqu'il a suivi la chanteuse américaine sur près de onze ans, de quoi établir un lien de confiance quasi insubmersible avec, à la clef, une complicité des plus fécondes. Ensuite, Patti Smith n'est pas du tout une poseuse, au contraire elle est faite d'un seul bloc d'authenticité, dont les accents rimbaldiens, qui peuvent parfois prêter à sourire, procèdent pourtant d'une sincérité à toute épreuve!

Jeune cinéaste, qui n'a alors que quelques courts métrages à son actif, Steven Sebring a la chance de pouvoir faire sa «demande en filmage» au bon moment: nous sommes en 1995, Patti Smith entreprend alors son grand retour après seize ans passés loin de la scène, à élever ses deux enfants. L'interprète de «People Have The Power» commence ainsi une deuxième carrière que l'on peut considérer comme une forme de travail de deuil: une année auparavant, elle a eu le malheur de perdre son mari, Fred «Sonic» Smith, guitariste des légendaires MC5, précurseurs du punk, avec lequel elle coulait des jours paisibles à Detroit.

Sans malignité, Steven Sebring se greffe, lui et sa caméra, sur cette tentative de résilience. Par instants, on jurerait que sa protagoniste n'en est pas dupe, profitant d'évoquer et invoquer tous les fantômes qui peuplent désormais son existence, «mais qui la rendent plus forte».

Depuis 1975, année de la sortie du mythique «Horses», Patti Smith a publié une douzaine d'albums originaux, peint nombre de tableaux, écrit des poèmes en masse, développant une mystique très personnelle où l'idée de la liberté prédomine. Née de l'union d'un ancien danseur de claquettes, reconverti en fonctionnaire, et d'une chanteuse de jazz passée témoin de Jéhovah, elle tire de cet étonnant creuset familial matière à une poésie élégiaque, empreinte d'une religiosité à la naïveté assumée. L'artiste s'en explique d'ailleurs sans ambages devant la caméra… Mais le meilleur du film ne réside pas dans l'évocation de cette carrière atypique. En filigrane, le cinéaste nous adresse aussi une manière de requiem discret et pudique, qui passe en revue les «martyrs» de l'ère punk poussée sur les décombres nauséeux du «flower power» hippie, dont Patti Smith semble la veilleuse étrangement sereine, du suicidé Kurt Cobain à son ami le photographe Richard Mapplethorpe mort du sida, cet affreux contradicteur de l'utopie sexuelle. /VAD

La Chaux-de-Fonds, ABC; 1h43

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