Compositeur valaisan établi à Paris, renommé pour son travail sur l'écoute de la musique, Pierre Mariétan est invité par le centre culturel ABC à partager sa démarche. Concert et balades sonores à entendre dès ce soir à La Chaux-de-Fonds.
Votre uvre n'est pas articulée sur la production de musique, mais sur «l'écoute du monde»? Comment écoute-t-on le monde lors de vos concerts?
Il ne s'agit pas de refuser la virtuosité musicale ou l'écriture, mais de les intégrer dans une plénitude d'écoute. Aujourd'hui, la musique est omniprésente et pourtant, on ne l'écoute plus. J'aimerais être celui qui met en valeur la qualité d'écoute. Je travaille avec une grande économie de sons pour laisser une place à la réflexion; l'auditeur doit se sentir exister parmi les sons qui se présentent à lui. Je partage l'espace entre l'auditeur et la musique. Les silences, par exemple, sont utilisés comme des éléments structurels de ma musique.
«La voix est la source et le lieu l'instrument», dites-vous. A La Chaux-de-Fonds, vous allez nous jouer de quel instrument de musique?
On m'a fait visiter plusieurs lieux... la salle du Crématorium aurait pu convenir, mais finalement, j'ai choisi le Grand Temple. Là, dès ce soir, j'invite le public à un rituel musical d'une demi-heure. Avec ses formes ovales, cette église a des résonances particulières. Au-delà de l'acoustique, c'est l'écoute du lieu qui est déterminante, la possibilité de le faire résonner dans toute sa singularité. Je précise que je ne suis pas chanteur. Dans la pièce intitulée «Chant», j'utilise ma propre voix pour donner forme à l'identité spécifique de l'espace choisi, ma voix est le corps d'une expression qui n'appartient qu'à moi.
Demain à l'ABC, on pourra assister à la création de votre dernière uvre, «Mémoires empreintes», par un quintette de musique de chambre parisien, Le Balcon... C'est un peu incongru, non?
Dans mes créations, je compose aussi beaucoup d'uvres instrumentales, vocales, orchestrales... A chaque fois, j'essaie de faire la musique du lieu. Normalement, avant un concert, les musiciens accordent leur instrument; vendredi, je leur demanderai de s'accorder au lieu. Je me réjouis beaucoup. D'une grande virtuosité, ces jeunes musiciens ont travaillé avec Boulez, ils sont intéressés par la recherche sur le langage musical. Ils ont choisi six de mes pièces, dont la plus ancienne date de 1962, ce qui n'est pas évident pour eux. Ce qui caractérise ma musique, c'est sans doute l'absence de certains sons que je ne juge pas absolument nécessaires. C'est en conformité avec mon souci de recherche de qualité sonore à donner à notre environnement que je compose. Propos recueillis par Catherine Favre
La Chaux-de-Fonds, Grand Temple: «Voix chantée» par Pierre Mariétan, ce soir, 19h; sa-di, 17h. Théâtre ABC: création du quintette Le Balcon, demain, 20h30. «Promenade en ville»: conférence de Pierre Mariétan, visite guidée par Irène Brossard, sa, 11h, départ à l'ABC. Ancien Manège: «Voix parlée» par Philippe Vuilleumier (voix) et Enza Pintaudi (flûte), di, 11 heures. Infos: www.abc.ch