«Vous ne m'avez pas souvent vu sans cravate», sourit Daniel Marchesseau, assis dans le parc de la Fondation Pierre Gianadda, à Martigny. Le directeur du Musée de la Vie romantique, à Paris, fréquente les lieux depuis 21 ans, quand il avait été appelé à organiser une rétrospective Modigliani. Neuf expositions plus tard, Marchesseau s'autorise enfin à tomber la cravate, le temps de l'accrochage des septante tableaux de Claude Monet qu'il a obtenus pour la fondation.
Il a pu faire son choix parmi le fonds prestigieux du Musée Marmottan Monet, une institution qui appartient à l'Académie des Beaux-Arts, dont Léonard Gianadda est membre, comme il n'est peut-être pas inutile de le rappeler.
Daniel Marchesseau et Léonard Gianadda ont ensuite complété ce choix en actionnant leur réseau de collectionneurs suisses. La collection des estampes japonaises de Monet, conservées dans le jardin-musée de Giverny, complète ce panorama: «Nous avons voulu une exposition absolument différente de celle du Grand Palais.»
Chef-d'uvre et rigueur
Il n'était pas question d'essayer de rivaliser, mais de proposer d'autres uvres pour une première rétrospective suisse de Claude Monet. Lorsqu'il évoque le peintre impressionniste, Daniel Marchesseau devient vite lyrique: «Je suis émerveillé par autant de chef-d'uvre et de rigueur. Monet ne vendait que l'excellence et a beaucoup détruit de toiles.» L'historien de l'art fait le portrait d'un homme «extraordinairement sain, qui se colline avec la nature» dans sa propriété de Giverny, achetée après des années de vaches maigres.
Le peintre y «affronte la lumière», «porte à ses sommets cette nouvelle expérience de la peinture en plein air amorcée par Boudin et Manet». Il est aussi un des premiers en Europe à s'intéresser aux estampes japonaises. L'exposition se prolonge donc avec ces petites uvres sur papier, dont certaines ont bien souffert, mais qui montrent un extraordinaire potentiel de «modernité». Monet s'est inspiré, comme d'autres après lui, de ces compositions décentrées, de ces vues en contre-plongée ou à contre-jour, de ce dessin à la fois raffiné et austère. Daniel Marchesseau s'est «amusé à en faire la description dans le catalogue, feuille par feuille.»
Cette exposition Monet a demandé deux ans de travail à son commissaire: «Le bonheur de ce métier est de pouvoir entrer dans un monde dont on ignore au départ jusqu'où il va nous entraîner. Je ne regarde plus la peinture de cette période de la même façon. Un commissaire n'est pas un spécialiste. Son rôle est de transmettre, avec rigueur et intégrité, ce qui semble important dans une uvre.»
Tendre vers l'excellence
Quant à savoir si on n'aborde pas un si gros morceau avec une certaine crainte, Daniel Marchesseau répond très vite: «Je vis dans l'angoisse depuis deux ans. Je ne suis pas un spécialiste de l'impressionnisme, contrairement à Daniel Pickvance qui a souvent été commissaire pour cette fondation par le passé. Notre but, à Léonard et à moi-même, n'est pas de faire avancer la recherche sur Monet, mais de faire une exposition qui tende vers l'excellence, par le choix des uvres, la qualité du catalogue, l'accrochage. Le public est de plus en plus averti et formé, la qualité doit être la meilleure possible.»
Fondation Pierre Gianadda, Martigny
«Monet au Musée Marmottant et dans les collections suisses», jusqu'au 20 novembre, tous les jours 9-19h.