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Léonard de Vinci superstar

11 nov. 2011, 04:15

Magnifique, inédite et gorgée d'énigmes. L'exposition sur les années milanaises de Léonard de Vinci qui s'est ouverte à la National Gallery (NG) de Londres rend fébriles les esthètes du monde entier. Aux caisses, les billets s'arrachent. File d'attente des grands jours. Record battu de préventes. Aucune réservation n'est plus possible avant décembre. Du jamais vu pour une exposition d'art.

A cela s'ajoutent des menaces de grève, des rumeurs de coupure de courant… Certains voudraient profiter de l'événement - il est vrai historique et magistral - pour rappeler que les budgets des musées anglais fondent en ce moment comme neige au soleil. De son côté, le petit cercle des experts internationaux se déchire à coups d'hypothèses sur les causes, le sens et l'authenticité des œuvres. Leur patriarche, l'homme qui exerce une autorité depuis plus d'un demi-siècle, Carlo Pedretti, malgré ses 83 ans et les difficultés qu'il éprouve désormais à se déplacer, a déjà fait le voyage de Californie pour donner son imprimatur.

Les commissaires Luke Syson (responsable à la NG des peintures antérieures à 1500) et Larry Keith (responsable de la conservation et notamment de la restauration de la Vierge aux rochers de Londres) ont eu en effet l'ambition (la témérité?) de préciser dans quel ordre et dans quel contexte politique et religieux ont été peints rien de moins que «Le Musicien» (venu de Milan), «Saint Jérôme» (prêt du Vatican), «La Dame à l'hermine» (Cracovie) rapprochée pour la première fois de «La Belle Ferronnière» (Louvre), «La Cène», célébrissime fresque du réfectoire de l'église Santa Maria delle Grazie à Milan, «La Madone Litta» (Saint-Pétersbourg), «La Madone au fuseau du duc de Buccleuch», et enfin les deux «Vierge aux rochers.» A elle seule, cette réunion des chefs-d'œuvre jumeaux, celui du Louvre et celui de la NG, est exceptionnelle. «Léonard lui-même ne les a sans doute jamais vus ensemble», avance Luke Syson. Mais il faut encore y ajouter un «Salvator Mundi», récemment découvert. Propriété d'un collectionneur américain, il vient d'être restauré. Si son visage est très ruiné, ce Christ ressemble tout de même à une sorte de petit frère de la Joconde. Surtout, son drapé, ses mains et le globe de cristal qu'il tient se révèlent d'une délicatesse caractéristique.

Au total donc, seulement neuf huiles autographes, selon les commissaires. Mais elles sont complétées, expliquées et mises en regard avec d'autres, issues de l'atelier et /ou des élèves, Giovanni Boltraffio en premier. Et, bien sûr, par le grand carton préparatoire pour «La Vierge et l'Enfant Jésus», avec sainte Anne et saint Jean Baptiste de Burlington House, des esquisses, travaux préparatoires et autres archives précieuses. Y brille ce génie tantôt fulgurant tantôt infiniment précis qui ne cessera sans doute jamais de subjuguer.

Certaines des plus belles feuilles appartiennent à la reine d'Angleterre. Cinq ans de travail auront été nécessaires pour effectuer la sélection dans la masse colossale de ces marques d'une activité cérébrale surhumaine. Car il nous reste plus de cent mille croquis, études, plans, coupes, idées de machines, de décors, de costumes, toutes commentées de la fameuse écriture en miroir, dans quelque 6000 pages de cahiers.

Ainsi se précise la production subsistante de dix-sept années charnières. Où, entre ses 30 ans et l'approche de la cinquantaine, le maître évolue considérablement. C'est aussi la plus productive: environ les deux tiers de l'œuvre. «Pour Léonard, de 1482 à 1499, la cour de Ludovic Sforza fut une période stable. Il n'était pas soumis à la corporation des peintres, avait des revenus stables. Il pouvait méditer», rappelle Luke Syson. Cela aboutit au sfumato, cette technique tellement méticuleuse qu'elle semblait magique jusqu'à ce qu'en 1980 le chercheur français Jacques Franck en rétablisse les principes. Avec elle, les visages trouvent un incomparable modelé. Les formes saillent par l'atténuation des contrastes et des contours.

Les corps fusionnent avec les lointains immenses, se fondent avec la nature. L'artiste égale Dieu. Voire le dépasse car il fait aussi œuvre d'imagination.

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