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Le héros oublié... ou presque

La Suisse consacre-t-elle à Arnold Winkelried, héros de la bataille de Sempach, toute la place qu'il mérite dans l'imaginaire collectif? Pas certain.

21 juil. 2009, 10:11

C'est peu dire qu'Arnold Winkelried peine à supporter la comparaison avec Guillaume Tell. Jusque dans sa propre maison, le sauveur de la nation sur la colline de Sempach est relégué... au sous-sol. Le château Winkelried de Stans, l'un des quatre musées cantonaux nidwaldiens, fait d'abord la part belle à la foi religieuse, à la culture et aux traditions de ce demi-canton de 40 000 âmes, avant de songer à celui qui devrait être le plus célèbre de ses fils, le plus honoré aussi.

Guide touristique dans la capitale nidwaldienne, Robert Ettlin confirme: «Stans a Winkelried, Altdorf Guillaume Tell. Reste que le premier est infiniment moins connu que le second, symbole de la Suisse autant que de son savoir-faire. Ici, les touristes étrangers viennent surtout pour le charme de nos paysages de carte postale, jamais contredits. Winkelried? Inconnu au bataillon ou peu s'en faut. En fait, nos hôtes le découvrent le plus souvent en même temps que le tour de ville, lorsqu'ils prennent un accompagnateur.»

Au cœur de Stans, où commence la visite, deux monuments rappellent le souvenir du héros de 1386. Il y a bien sûr la fameuse scène qui montre le barbu Nidwaldien embroché par les piques habsbourgeoises et reprise par tous les livres d'histoire; il y a aussi, plus discrète, une colonne ornant la fontaine de la petite place sur laquelle un sculpteur inconnu a représenté un Winkelried debout, en uniforme et en armes, portant fièrement les attributs guerriers de son rang, épée et bouclier notamment.

A quelques jets de pierre, jouxtant un terrain d'athlétisme, la maison des Winkelried, magnifiquement restaurée, avec ses salles aux plafonds parfois peints, parfois sculptés. En fait, l'imposant bâtiment à plusieurs corps, construit à différentes époques à partir du XIIIe siècle, et sur lequel maints propriétaires ont mis leur empreinte, n'a de Winkelried que le nom. Est-ce parce que le personnage et son rôle supposé à Sempach sont sérieusement mis en doute par les historiens? Est-ce parce que la famille unterwaldienne des Winkelried est éteinte, donc sans véritable porte-voix pour défendre sa figure historique? En tout cas, le musée n'offre que peu à voir et à lire sur Arnold: ici un tableau, là un document et encore faut-il descendre «à la cave», ce qui renforce le sentiment que le propriétaire des lieux n'est pas vraiment traité avec les égards dus à ses mérites, supposés ou bien réels.

Cette balade au pays de Winkelried serait incomplète sans un petit tour par Sempach, à 40 kilomètres de Stans, en remontant vers le nord. Ici les paysages lucernois ne doivent rien à leurs voisins nidwaldiens. Nous avions oublié que l'affrontement de 1386 entre les Confédérés et les Autrichiens du duc Leopold III ne s'était pas déroulé à Sempach même, mais sur une prairie située à deux kilomètres de là. Impossible de rater ce rendez-vous avec l'histoire. La petite route goudronnée qui serpente dans les pâturages vient littéralement buter contre l'auberge «Zur Schlacht», littéralement «A la bataille». En contrebas, une chapelle et sa fresque rappellent la mémoire des deux mille hommes tombés dans les deux camps au cours de combats qui permirent à la Suisse naissante de s'affranchir des prétentions des Habsbourg.

Leopold III et 1800 des siens furent d'ailleurs tués à Sempach, parmi lesquels 15% de la noblesse alsacienne, alliée à la maison des Habsbourg.

Dans les rangs helvétiques, un certain Arnold Winkelried, enfant d'Unterwald accouru - aux côtés d'Uranais et de Schwytzois, mais aussi de Zurichois - prêter main-forte aux Lucernois attaqués et que la légende allait consacrer, bien plus tard, héros de la patrie.

Les rabat-joie suspectent l'existence de Winkelried, son geste sacrificiel et l'efficacité de celui-ci à déchirer les lignes ennemies.

La Société helvétique, elle, n'a pas le moindre doute. Depuis deux siècles et demi, elle commémore chaque année la bataille de Sempach, présentant Arnold Winkelried comme une figure historique. Et même un combattant... des droits de l'homme. /MGR

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