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Le fiel de Thomas Bernhard

07 juin 2010, 07:19

Le jury du prix Grillparzer a oublié de l'accueillir à la cérémonie dont il était pourtant le centre, le président de la Fédération de l'industrie allemande qui lui remet le prix du Cercle culturel de cette même fédération le prend pour une femme, le jury du prix de littérature de la ville de Brême est antisémite et inculte… Bref, aucun prix littéraire ne trouve grâce aux yeux de Thomas Bernhard, excepté le prix Julius-Campe, parce qu'il vient de Hambourg et que Julius Campe fut le premier éditeur de Heinrich Heine.

Ce recueil posthume, publié en Allemagne pour les 20 ans de la mort de l'écrivain autrichien, et un an après en traduction française, tout en attaquant avec une ironie mordante les prix littéraires, leurs jurys et les politiciens en charge de la culture, nous montre des aspects singuliers et surprenants de Thomas Bernhard.

Sa tante intervient dans chacun de ses récits, soulignant la place importante qu'elle tint dans sa vie. L'argent également, ou plutôt son absence, semble indissociable du sujet des récompenses artistiques. Jamais riche, l'auteur se trouve carrément dans le besoin après avoir passé trois mois dans un hôpital où les médecins le condamnaient à mourir de sa maladie, autre sujet d'ironie. Le prix doté de huit mille marks est alors plus que bienvenu, malgré l'incapacité de ses organisateurs à ne pas l'appeler Madame Bernhard lors de la distribution, dévoilant ainsi leur méconnaissance de la littérature.

Par ailleurs, à chaque fois subtilement scandalisé par les erreurs dont il est la victime, l'écrivain semble parfois faire preuve d'arrogance, et surprend dans sa détermination à recevoir l'argent d'institutions qu'il critique sévèrement. D'ailleurs, un ministre de la Culture exaspéré essaya de le gifler en pleine cérémonie à cause de son discours sur l'Etat, un discours assez opaque qu'on peut lire à la fin du recueil avec deux autres. «Mes prix littéraires» est un livre jubilatoire, à lire pour parfaire sa connaissance ou pour découvrir cet auteur classique.

«Mes prix littéraires», Thomas Bernhard, traduit de l'allemand par Daniel Mirsky, éd. Gallimard

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